Titre du projet :
Porteur·e :
Gervais Laurence |
Courrier électronique :
lgervais@parisnanterre.fr |
Adresse :
Université Paris Nanterre 200, av de la Liberté 92001 Nanterre Cedex |
Téléphone :
0684138244 |
Statut :
PR |
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Institution du porteur·se du projet :
Université Paris Nanterre (UPN) Unité de recherche associée : EA 370 Centre de recherches Anglophones CREA – UPN |
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CV du porteur·se de projet :
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Biographie du porteur·se de projet :
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Porteur·e :
DUPLAY Mathieu |
Courrier électronique :
mathieu.duplay@u-paris.fr |
Adresse :
LARCA (UMR8225) Université Paris Cité Case 7046 5, rue Thomas Mann 75205 Paris Cedex 13 |
Téléphone :
0672877190 |
Statut :
PR |
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Institution du porteur·se du projet :
Centre national de la recherche scientifique (CNRS) |
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CV du porteur·se de projet :
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Biographie du porteur·se de projet :
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Institution partenaire | Laboratoire | Lettre d’engagement |
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Université Paris Nanterre (UPN) | EA 370 Centre de recherches Anglophones CREA – UPN | VF_lettre-engagement-porteur_CREA.pdf |
Centre national de la recherche scientifique (CNRS) | VF_Lettre-dengagement-co-porteur_LARCA.pdf |
NOM et Prénom | Institution – Statut |
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CHEVRIER-BOSSEAU Adeline | VALE (Voix anglophones littérature et esthétique) (ULR 4085), Sorbonne Université / IUF Statut : MCF |
COTTET Hélène | CECILLE (ULR 4074), Université de Lille Statut : MCF |
MORT Sébastien | CREM (ULR 3476), Université de Lorraine Statut : MCF |
OSTER Corinne | CECILLE (ULR 4074), Université de Lille Statut : PR |
QUANQUIN Hélène | CECILLE (ULR 4074), Université de Lille / IUF Statut : PR |
- La création comme activité de recherche
- Les nouveaux modes d’écritures et de publications
- Quelle est la durée du projet : 3 ANS
Le point de départ du projet est la traduction collaborative en français de Let the Record Show: A Political History of ACT UP New York, 1987–1993 de la militante et intellectuelle étatsunienne Sarah Schulman, qui retrace l’histoire d’Act Up-New York en s’appuyant sur 187 entretiens d’histoire orale. Plus qu’un témoignage sur la pandémie de sida et l’activisme d’Act Up-New York, cet ouvrage est la démonstration d’une culture de résistance LGBTQIA+ dont les activistes contemporain·es en France et aux États-Unis peuvent s’inspirer. La traduction collaborative, qui sera faite par des militant.es, des universitaires, et des traducteurices confirmé.es, se veut également créative et militante. La publication de l’ouvrage est prévue en 2026, elle donnera lieu à des séminaires dans une approche de croisement des savoirs, ainsi qu’à un colloque sur les mouvements militants liés à la crise du sida aux États-Unis et en France fin 2026-début 2027.
Let the Record Show: A Political History of ACT UP New York, 1987–1993 est en soi un objet hybride d’écriture créative qui s’inscrit dans une démarche à la fois historique, biographique et militante, mettant notamment en lumière les contributions de nombreuses femmes et personnes de couleur dans le mouvement. Il s’appuie sur 187 entretiens menés pour un projet d’histoire orale en ligne, ACT UP Oral History Project, et s’accompagne d’un documentaire, United in Anger : A History of ACT UP (2012) de J. Hubbard. Le projet de traduction collaborative en français est pensé comme un prolongement de cette démarche qui s’inscrit dans l’axe « Les nouveaux modes d’écritures et de publication », car il questionne la façon dont l’histoire d’un mouvement peut s’écrire et les processus de transferts et transmission à travers le temps et l’espace.
Ce travail s’appuie sur plusieurs réflexions menées ces dernières années notamment en France et aux États-Unis. Il vise à à documenter la façon dont les groupes militants ont produit et continuent à produire des connaissances sur eux-mêmes (L. Tetrault, The Myth of Seneca Falls, 2014), tout en mettant en évidence le rôle central des archives comme lieux de pouvoir et d’invisibilisation (M. Fuentes, Dispossessed Lives, 2016), mais aussi comme lieu de production de pratiques, comme « désir » et force collective et politique (S. Bourcier, « Désir d’archive », 2024). Dans un double contexte de remise en cause des droits de groupes marginalisés, notamment LGBTQIA+, et de montée en puissance de mobilisations (Black Lives Matter, #MeToo, plus récemment mouvements étudiants en opposition à la politique d’Israël et à son soutien par le gouvernement étatsunien…), ce que Didier Fassin nomme « moment critique » (La Société qui vient, 2022), la traduction de Let the Record Show en français est pensée comme un outil de transferts de pratiques et d’idées militantes. Debbie Gould (Moving Politics, 2009) aborde l’émotion générée par le contact physique avec les archives ; Sam Bourcier traite de la « non-séparation des corps producteurs·rice·x·s d’archives d’avec les archives, ce pouvoir rassembleur et politique des corps et des archives dans une temporalité, des espaces et des projets communs », qu’il appelle resynchronisation (« Désir d’archive », 2024). C’est à cet endroit précis que se situe ce projet à la fois de mémoire, de transmission et de partages des pratiques – « il faut multiplier les espaces de rencontre matérielles, physiques, affectives et politiques avec les archives » (« Désir d’archive », 2024) – et la traduction du texte de Schulman et les séminaires et le colloque qui en découleront ont été pensés comme des lieux de rencontre.
Ce projet s’inscrit également dans le champ de recherche et d’expérimentation « Approches créatives de la traduction » puisqu’il s’appuie sur une traduction collaborative centrée sur le croisement et la co-construction des savoirs et des pratiques entre militant·es, universitaires, traducteurices appartenant à des générations différentes. « La traduction en sciences humaines et sociales mobilise des concepts, catégories de pensée, des représentations, qui n’ont pas forcément d’équivalents dans la langue cible », note Sylvie Bosser (« Pratiques et représentations de la traduction », 2012). L’apport des militant·es est par conséquent crucial pour faire une place aux aspects non-cognitifs, inconscients, non-verbaux et non rationnels de l’activisme (Gould, Moving Politics, 2009) comme aux concepts et aux théorisations issues des pratiques militantes. Tiphaine Samoyault souligne quant à elle que « [l]a traduction est un art collectif ; elle permet de réfléchir à des formes de collectivisation du littéraire, à plusieurs niveaux : parce qu’on y est toujours au moins deux, et qu’on peut être aussi plusieurs […] ; mais aussi parce que l’œuvre elle-même est pensée comme étant plurielle ou composée de l’ensemble de ses états, écrits, oraux, passés, présents et à venir » (Traduction et violence, 2020).
En matière de traduction collaborative et/ou militante, en plus d’expériences de traductions de ce type en France (Stone Butch Blues, 2019), la recherche s’est intéressée ces dernières années à cette pratique, son histoire, l’investissement d’espaces numériques, son rôle dans la transmission de pratiques et d’idées militantes. On citera à titre indicatif les travaux de M. Jiménez-Crespo (Crowdsourcing and Online Collaborative Translations: Expanding the Limits of Translation Studies, 2017), A. Cordingley et C. Frigau Manning (Collaborative Translation: From the Renaissance to the Digital Age, 2017), E. Monti et P. Schnyder (Traduire à plusieurs : Collaborative translation, 2018), mais aussi M. Baker (“Translation as an Alternative Space for Political Action”, 2013) ou L. von Flotow (“On the Challenges of Transnational Feminist Translation Studies”, 2017) sur les enjeux transnationaux des collaborations féministes dans la transmission des textes marginalisés.
La mise en œuvre s’inspire de projets de traduction collaborative militante queer et féministe déjà publiés (Trans de J. Halberstam, traduit par la collective dansmalangue et publié par Libertalia, ou Stone Butch Blues de L. Feinberg, publié par Hystériques et AssociéEs). L’équipe de traduction est composée de 6 personnes, dont une coordinatrice du projet, qui sera rémunérée. La publication de Let the Record Show: A Political History of ACT UP New York, 1987–1993 étant prévue en 2026, l’essentiel du travail aura lieu en 2025. Il sera organisé de la façon suivante : constitution de binômes de traduction se réunissant toutes les 2 semaines, le collectif se réunissant au complet une fois par mois pour préciser des choix de traduction en lien avec l’expérience de militant.es ; discussions des problèmes et choix de traduction lors des séminaires de croisement des savoirs ; constitution d’un glossaire issu de l’histoire d’ACT UP en France ; rendez-vous réguliers avec Sarah Schulman, partie prenante du projet. Le rôle de la coordinatrice de la traduction est de veiller à l’harmonisation de la traduction ainsi qu’à l’organisation du travail.
En plus des réunions de l’équipe de traduction sont ainsi également prévues des séances de séminaire, pensées à la fois comme des espaces de discussion et des prolongements du travail de traduction, visant à rendre celui-ci visible, mais aussi à mettre en pratique un croisement des savoirs et à produire des archives sur le mouvement lié à l’épidémie du sida et au-delà. Ils sont pensés comme un espace d’échanges entre artistes, traducteurices, militant·es, universitaires, mais aussi étudiant·es, dans la mesure où ils ont vocation à être conçus en lien avec les formations dans nos universités respectives, par exemple l’atelier « traduction collaborative » du master recherche du département EAA de l’UFR LCE de l’Université Paris Nanterre, ou encore le master MéLexTra du département d’Études Anglophones à l’Université de Lille. Plusieurs participant·es sont déjà pressenti·es : collectif ayant traduit Trans*, responsables d’archives LGBTQIA+ en France et aux États-Unis.
Enfin, le projet comporte un troisième volet qui prendra la forme d’un colloque consacré à la crise du sida (1981-1996), abordée dans une perspective à la fois transdisciplinaire et transatlantique, ainsi qu’à la question des archives du sida et, plus généralement, du souvenir, de ses lacunes et de ses usages. Comme l’écrit Sarah Schulman dans La Gentrification des esprits (2018), le sida existe de deux manières : il y a le sida d’autrefois et le sida d’aujourd’hui, et aucun des deux n’est un fait révolu même si les progrès thérapeutiques et la mise au point de nouveaux outils de prévention peuvent donner le sentiment trompeur dans les pays développés que l’urgence est passée. De quoi le sida est-il le nom ? Que s’est-il passé entre 1981, quand la maladie a été identifiée aux États-Unis, et 1996 lorsque l’invention des trithérapies a bouleversé le pronostic des malades qui y ont accès ? Quelles nouvelles formes de mobilisation ont été inventées, par qui, dans quels contextes spécifiques, et et comment se sont-elles diffusées à travers l’espace et le temps ? Quelles archives témoignent aujourd’hui de ce passé, et en quoi le souvenir lacunaire (ou l’amnésie sélective) dont il fait les frais influent-ils sur la manière dont nos sociétés réagissent aujourd’hui à des urgences en partie nouvelles, mais aussi, dans bien des cas, liées à des problématiques sanitaires, politiques et sociales déjà présentes lors de l’apparition du sida ? Ce sera l’occasion de faire dialoguer les chercheur·x·ses issu.e.s de différentes disciplines, depuis la médecine jusqu’à la littérature en passant par l’histoire, avec des militant·x·ses d’hier et d’aujourd’hui.
Dans le cadre de ce colloque, nous envisageons de travailler avec le CNDC d’Angers (également membre du consortium EurArTech) : Adeline Chevrier-Bosseau a pris contact avec Amélie Coster, directrice de la pédagogie, et le CNDC a manifesté son intérêt pour une collaboration. Il s’agirait d’impliquer les élèves du CNDC dans une réflexion sur ce que la crise du sida a fait à la danse. Un premier volet de cette collaboration serait de remonter dans une série de workshops (dans le cadre du cursus pédagogique des élèves) une pièce de Dominique Bagouet, mort du sida au début des années 1990, ou Good Boy, d’Alain Buffard. Ce travail aurait lieu en amont du colloque, et il est prévu d’organiser une restitution à la fin : les élèves danseraient leur travail lors d’une performance publique, ouverte aux participant·e·s du colloque, mais également au public. Une conversation entre les élèves et le public est prévue à l’issue de la représentation. Il s’agit ici de croiser les savoirs, et de faire se rencontrer l’univers universitaire et une structure qui offre une formation professionnalisante en danse, pour donner une place aux jeunes danseur·euse·x·s professionnel·le·s dans cette réflexion.
Plusieurs publications sont envisagées pour ce projet :
La traduction en français de Let the Record Show: A Political History of ACT UP New York, 1987–1993 en 2026, suite au travail de traduction collective et militante effectué en 2025. La traduction devrait paraître chez Libertalia (l’éditeur nous a accordé un accord de principe).
Des articles scientifiques sur l’expérience de la traduction collaborative et militante seront publiés dans des revues en Open Access en 2026 et 2027. Une publication dans la revue Meta est également envisagée.
Des numéros de revue sur la base d’une sélection des contributions du colloque en France et à l’étranger (par exemple dans Transatlantica, Interalia. A Journal of Queer Studies, Gender and Society ou Palimpsestes pour la traduction) à l’horizon 2027 et 2028.
Plusieurs exemples de production de données de recherche sont envisagés :
Le projet donnera lieu à la création d’un carnet hypothèses sur le travail collaboratif, qui sera documenté.
Le travail de traduction donnera lieu à la production d’un glossaire en français d’actions militantes qui sera accessible sur le carnet hypothèses du projet.
Les séances du séminaire ainsi que le colloque seront enregistrés (avec l’accord des participant·e·s) et disponibles.
Le projet se fonde sur la pratique du croisement des savoirs et a donc vocation à être diffusé au-delà de la seule communauté universitaire par principe. Outre les séances de séminaires, qui seront ouvertes à tou·te·s, seront organisées des séances de présentation de l’ouvrage lors de sa publication (Sarah Schulman, qui parle français, a déjà donné son accord pour venir en France à ce moment-là et intervenir dans des librairies et des lieux culturels et militants). Le colloque comprendra également des projections de documentaires (dont United in Anger), des expositions et des performances notamment de danse ouvertes au public.