Liste Appel à projets

INFORMATIONS GENERALES

Titre du projet :

Paysages italiens, Cento anni dopo

Porteur·es de projet
Porteur·e :

Gailleurd Céline

Courrier électronique :

celinegailleurd@hotmail.com

Adresse :

45 rue Armand Carrel 93100 Montreuil

Téléphone :

0622634559

Statut :

MCF

Institution du porteur·se du projet :

Université Paris 8 (UP8)

Unité de recherche associée : EA 2302 Esthétique – UP8

CV du porteur·se de projet :

1.-CURRICULUM-VITAE-DETAILLE-OU-BIOGRAPHIE.pdf

Biographie du porteur·se de projet :

2.-ArTec_Paysages_Appel_bio.pdf

INSTITUTIONS PARTENAIRES D’ARTEC
Institution partenaire Laboratoire Lettre d’engagement
Université Paris Nanterre (UPN) EA 4414 Histoire des arts et des représentations HAR – UPN 3-ArTec_Paysage_Lettre-HAR.pdf

Ecole nationale supérieure Louis-Lumière (ENS-Louis-Lumière) 4-ArTec_Paysage_Lettre_EC-Louis_Lumiere_.jpg

Université Paris 8 (UP8) EA 1573 Scènes du monde – UP8 5-Lettres-Unite-de-Recherche-Scenes-du-Monde-EA1573.pdf

Université Paris 8 (UP8) EA 2302 Esthétique – UP8 6-ArTec_Paysage_Lettre_ESTCA.pdf

AUTRES INSTITUTIONS
Type d’institution Détails Lettre d’engagement
Institutions culturelles

Cinémathèque Française, Direction du Patrimoine du CNC, Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, L’Académie de France à Rome – Villa Médicis


Institutions étrangères

Università degli studi di torino, Université Tor Vergata, Centro Sperimentale di Cinematografia – Cineteca Nazionale (Roma)


Partenaires privés

Nocturnes Productions, Association Les Melvilliens


COLLABORATEURS·RICES
NOM et Prénom Institution – Statut
Emmanuel Dreux Université Paris 8
Statut : MCF
Céline Sorin Université Paris 8
Statut : PR
Dork Zabunyan Université Paris 8
Statut : PR
Camille Blot-Wellens MAST Université Paris 8
Statut : Chercheur
Noah Teichner Université Paris 8
Statut : Chercheur
Olivier Bohler Université Paris 8
Statut : Chercheur
Thierry Dufrêne Université Paris Nanterre
Statut : PR
Anne-Violaine Houcke Université Paris Nanterre
Statut : MCF
Natacha Pernac Université Paris Nanterre
Statut : MCF
Pascal Martin École nationale supérieure Louis Lumière
Statut : PR
Giusy Pisano École nationale supérieure Louis Lumière
Statut : PR
Giulia Filacanapa Université Paris 8
Statut : MCF
Laurent Guido l’Université Sorbonne Nouvelle
Statut : PR
Melissa Gingnac Université de Lille
Statut : MCF
Marguerite Vappereau Université Bordeaux Montaigne
Statut : MCF
Béatrice de Pastre Direction du patrimoine, CNC
Statut : Conservateur
Dominique Moustacchi Direction du patrimoine, CNC
Statut : Conservateur
Hervé Pichard Cinémathèque Française
Statut : Conservateur
Stéfanie Salmon Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
Statut : Conservateur
Silvio Alovisio Università degli Studi di Torino
Statut : PR
Luca Mazzei Università di Roma « Tor Vergata »
Statut : MCF
Stella Dagna Università degli Studi di Torino
Statut : Chercheur
Marco Bertozzi Università IUAV Venise
Statut : PR
Michele Canosa Università degli Studi di Bologna
Statut : PR
Maria Assunta Pimpinelli CSC- Cineteca Nazionale
Statut : Conservateur
Ivo Blom Vrije Universiteit Amsterdam
Statut : PR
DESCRIPTION DU PROJET
Dans quel axe scientifique votre projet s’insère-t-il ?
  • La création comme activité de recherche

Contexte du projet
  • Quelle est la durée du projet : 3 ANS

Résumé court du projet

Ce projet de recherche-création examine la relation entre le paysage italien et les films de fiction et les documentaires tournés en Italie entre 1896 et 1922, en tenant compte des dimensions historiques, sociales et esthétiques, ainsi que des enjeux contemporains liés à la conservation des films. Parallèlement à l’exploration de fonds d’archives, l’approche artistique occupe une place centrale, avec la réalisation d’une série de films et la conception d’une exposition immersive qui interrogeront la force émotionnelle des paysages italiens et leur rôle dans l’identité culturelle, à partir d’une approche sensorielle et poétique. Le réemploi d’archives et des expérimentations sonores redonnera vie à ces paysages oubliés, tout en offrant une réflexion sur l’évolution du territoire et des techniques cinématographiques. Ce champ d’études s’étendra à un niveau international, grâce à la collaboration qui sera mise en place entre chercheurs, institutions patrimoniales, écoles d’art.

Présentation du projet scientifique

Problématique générale

Le cadre chronologique a été choisi en raison de la convergence de bouleversements historiques importants :

– D’une part, 1896 représente à la fois l’année de réalisation des tout premiers films tournés en Italie, mais également l’année de l’envol de l’industrie nationale, dont le cinéma a bénéficié. À partir de ce moment, la vision portée sur le paysage italien évolue grandement, en particulier avec le développement du tourisme. En effet, c’est dans les années 1890 qu’apparaît une nouvelle sensibilité esthétique à l’égard du paysage, qui se traduit par le développement d’institutions telles que le Touring Club Italiano (1894), déjà actif entre 1895 et 1896, qui marque l’arrivée des premières éditions de guides touristiques de l’Italie.

– D’autre part, 1922 est à la fois l’année de la Marche sur Rome mais aussi celle de la loi de Benedetto Croce sur la protection du paysage. C’est aussi l’année de la première grande crise de l’industrie cinématographique italienne, qui réduit de moitié sa production. Dans les années qui suivent, le rapport entre l’État italien et la production de films documentaires change, en particulier avec la création en 1924, de l’institut Luce, qui ne tardera pas à se consacrer à la réalisation de films d’actualité de propagande.

L’hypothèse de cette recherche part de deux questionnements, distincts mais complémentaires :

Le premier questionnement investit le passé : que peuvent nous révéler les paysages italiens filmés durant cette période historique cruciale au cours de laquelle se joue à la fois l’aboutissement de l’Unité italienne, la consolidation de l’identité nationale et l’amorce des processus de modernisation du pays ? Pour élaborer un début de réponse, les paysages, les environnements et les lieux des premiers films italiens seront cartographiés et interprétés. Analyser la manière dont étaient filmés ces paysages permet de repenser une part de cette histoire sociale, culturelle et esthétique. Prises dans une tension permanente entre tradition et modernité, les images cinématographiques jouaient à l’époque un rôle de médiation important entre les territoires de la péninsule et leur représentation publique.

Le second questionnement regarde du côté du présent et dans une large mesure aussi l’avenir. En premier lieu, les paysages du cinéma muet italien constituent une mémoire de territoires trop longtemps oubliés qui peuvent être redécouverts aujourd’hui, grâce aux développements exponentiels du numérique et l’accès qu’il offre à des copies, jusque-là, très difficiles à consulter. En second lieu, les images d’une Italie qui n’existe plus permettent une comparaison étroite avec l’état des paysages actuels. Grâce à leur redécouverte, il est désormais possible de mieux mesurer les transformations souvent violentes induites par les processus d’industrialisation ou par le changement climatique, et donc de renforcer la prise de conscience de la nécessité d’un avenir plus durable.

Le corpus de la recherche

Le corpus de la recherche sera constitué de films ayant survécu, tournés en Italie entre 1896 et 1922, fictions et documentaires. Actuellement, on estime qu’environ 2 000 films produits en Italie à l’époque du muet subsistent encore à travers le monde, de manière complète ou fragmentaire, sur un total d’environ 10 000 films réalisés. Ainsi, seulement 20 % de la production de films muets a survécu.

Dans le cadre de cette recherche, j’ai choisi de privilégier, à l’intérieur de ce corpus étendu, les films disponibles sur support pellicule mais aussi, lorsque cela sera possible, sur support numérique. En effet, la redécouverte et l’accès renouvelé aux copies, via la numérisation, nous offrent la possibilité de travailler à même les images filmiques, dans le détail de celles-ci. En ce qui concerne les films de fiction, nous nous intéresserons à tous les genres. En effet, du mélodrame aux films burlesques, en passant par la reconstitution historique, le paysage est présent et montré sous des jours variés. Un accent important sera mis sur les copies qui subsistent aujourd’hui dans les collections françaises où de nombreux films muets italiens sont conservés.

État de l’art

a) Le paysage au cinéma

Comme le rappelle Antonio Costa, le paysage au cinéma suppose une double réflexion : sur la nature du paysage et sur la nature du cinéma. « Depuis l’ouvrage Landscape into Art de Kenneth Clark sur le paysage dans l’art (1949) jusqu’aux plus récentes contributions dans les domaines artistique, littéraire et cinématographique, les chercheurs ont tenté de saisir la manière dont le paysage a pris forme au sein de cultures et de pays variés : un paysage entendu comme objet de connaissance et de contemplation esthétique puis, par la suite, comme objet de consommation. Un paysage entendu aussi comme domaine d’intervention pour l’humain et comme résultat de l’activité humaine. »

Traditionnellement, l’intérêt pour les études cinématographiques tend à s’orienter vers les villes. Depuis le début des années 1990, l’étude des liens entre cinéma et paysage s’est élargie grâce à la problématisation des notions telles que « espace », « lieu », « vue », « panorama », « environnement », « territoire », « carte », « lieu » et « décor ». Les études internationales, souvent rassemblées dans d’importants volumes (Mottet 1999 ; Costa 2001 ; Lefebvre 2006 ; Harper Rayner 2010), approfondissent aujourd’hui de multiples axes de recherche : le lien entre le cinéma et la géographie (Avezzù 2018) ; la cartographie (Conley 2007 ; Castro 2011) et le tourisme (Beeton 2005 ; Lavarone 2016) ; les lieux (Gaberscek 1995 ; Hellmann, Weber-Hof, 2006 ; Brunsdon 2007) ; la relation entre le paysage et la technologie numérique (Joliveau 2009 ; Klenotic 2011 ; Jandelli 2017) ou encore le « pittoresque » en tant que catégorie politico-esthétique (Bertellini 2010). Par ailleurs, on note une attention croissante pour le paysage dans les recherches sur les films de non-fiction muets (Léfèbvre 1995 ; Cosandey, Albera 1995 ; Hertogs, De Clerk 1997 ; Steimatsky 2008). Au cours des dernières décennies, le lien cinéma/territoire/paysage a également attiré l’attention des disciplines relatives aux territoires.

b) Paysage et cinéma muet italien

Bien que présent dans les textes critiques depuis longtemps (De Santis 1941 ; Barbaro 1943), le paysage italien n’a suscité qu’un intérêt marginal au sein des travaux dédiés au cinéma muet. Ce n’est que récemment que la situation a changé, surtout grâce à l’ouverture de nouvelles perspectives de recherche laissées jusque-là dans l’ombre. Les études sur le cinéma italien de l’après-guerre ou contemporain ont été les plus conséquentes (Giordano 2010 ; Parigi Ravesi 2014 ; Marmo 2018 ; Parigi Mazzei 2018).

En revanche, l’analyse du rapport entre le paysage et le cinéma muet reste beaucoup plus rare. Parallèlement à l’intérêt accru pour les films de non-fiction italiens (Bertozzi 2008), la plupart des recherches des vingt dernières années ont choisi d’étudier le paysage dans les films muets dal vero (Bernardini 2001 et 2002 ; Bertozzi 2014 ; Dagrada et al. 2007), surtout les récits de voyage (Blom 2000 ; Mazzei-Agostini 2014 ; Faccioli-Mazzei 2017), ou la non-fiction sur les zones de guerre. Les recherches portant sur les fictions sont plus rares, à l’exception de quelques études importantes sur le rôle du cinéma muet dans la définition d’une idée de paysage urbain (Bruno 1993 ; Bertozzi 2003 ; Laccio 2010 ; Di Girolamo 2014), lacune qui attend encore d’être comblée. 

c) L’étude du cinéma muet italien en France

Il est important de rappeler qu’en France, les travaux qui envisagent le cinéma muet italien sont extrêmement rares, voire inexistants, en dehors de ceux, déjà anciens, de Jean Gili. Depuis ses publications importantes, il n’y a plus eu de travail d’envergure sur ce corpus qui n’a fait l’objet que de publications restreintes, contrairement aux travaux foisonnants actuellement menés en Italie et à l’étranger. C’est, en grande partie, du constat de cette lacune qu’est né le projet de recherche-création « Le cinéma muet italien à la croisée des arts européens (1896-1930) », que j’ai porté de 2017 à 2019. A l’occasion des projets de recherche que j’ai menés sur le cinéma muet italien dans le cadre de mes publications (notamment le volume que j’ai coordonné Le cinéma muet italien au croisement des arts : vers une esthétique du spectaculaire, La Grande Collection ArTeC – Éditions les presses du réel, 2022) et des recherches réalisées dans le cadre film de recherche-création que j’ai co-réalisé Italia, Il Fuoco, La Cenere (2021), il m’est apparu qu’aucune étude, en France, ne s’était encore attachée à interroger de manière centrale la place qu’occupe le paysage italien au sein d’un corpus en croisant à la fois la fiction mais aussi le documentaire.  

Présentation de la partie Création  

L’objectif est de considérer le paysage en explorant son potentiel émotionnel, tout en adoptant une approche sensible. Cela prendra la forme d’une coréalisation avec le cinéaste Olivier Bohler, à travers une série de films et une exposition immersive, basée sur des copies de films retrouvées dans les archives au cours de cette recherche. L’accent sera mis sur le montage visuel et sonore, en privilégiant une écriture du multiple et la quête de l’image manquante. L’idée est de voir en quoi ces pratiques artistiques nous permettront d’écrire l’histoire autrement, en traquant dans les images ce qui était déjà présent mais non formulé, en refusant de s’installer dans un passé familier et rassurant. Nous revendiquons ainsi, à l’instar de Patrick Boucheron, une « poétique de l’histoire » qui « n’affaiblit en rien sa vérité ». Nous croyons fermement que le dialogue entre la recherche et la création ouvre la voie à de nouvelles manières de travailler collectivement.

Une exposition immersive : Italie. Paysages perdus, Paysages retrouvés

 Je souhaite réaliser une exposition immersive intitulée Italie. Paysages perdus, Paysages retrouvés. L’objectif consisterait à offrir aux visiteurs une expérience sensorielle, en les plongeant dans les paysages emblématiques de l’Italie, tels qu’ils ont été filmés à l’époque du cinéma muet. Le but serait de réexaminer l’importance du paysage dans ces films. Si le décor a joué un rôle essentiel dans le tournage des premiers films en studio, nous étudierons le rôle que le paysage a joué en tant qu’élément narratif et émotionnel dans les films, reflétant les transformations culturelles et sociales de l’Italie de cette époque. Je n’oublierai pas non plus la présence du peuple italien au sein de ces paysages, qui occupe une place centrale. À travers l’exposition, il s’agira de mettre en lumière la relation entre les habitants et leur environnement. Les paysans, les ouvriers, les citadins, les femmes et les visages des enfants y sont partout présents, non pas uniquement comme des figurants, mais comme des acteurs à part entière de l’histoire sociale italienne. Cette dimension humaine sera une composante essentielle de l’exposition. L’exposition combinera projections, installations sonores, et reconstitutions spatiales (à partir de décors réinventés en studio souvent sur des toiles peintes) pour recréer l’atmosphère des lieux représentés à l’écran. Je souhaite faire dialoguer ces images d’archives avec des technologies contemporaines, afin de proposer une réflexion sur la manière dont le cinéma, dès ses débuts, a su magnifier le territoire italien et en faire un personnage à part entière. Cette approche immersive permettra aux visiteurs de redécouvrir un patrimoine visuel souvent oublié. Paysages perdus, Paysages retrouvé sera une invitation à voyager dans le temps et à redécouvrir l’Italie sous un angle poétique et cinématographique.

Grâce à l’expertise de Pascal Martin et de Giusy Pisano enseignants à l’école, nous mènerons, peut-être durant plusieurs semaines, des recherches plastiques avec plusieurs élèves du département image. Je souhaite en effet retravailler et pousser plus loin encore les essais que nous avions réalisé ensemble à l’occasion du projet précédent qui consistaient à projeter des films muets italiens sur des matières mouvantes, comme la fumée, l’eau, le sable ou l’encre. L’objectif serait d’exploiter cette matière dans le cadre de l’exposition et de jouer sur l’aura mélancolique des hommes et des femmes filmés il y a plus d’un siècle, en les faisant apparaître dans les paysages italiens, selon des modes fantomatiques. Emprisonnés dans leur mutisme, rayonnant d’une lumière sépulcrale, ils sembleront vouloir s’adresser à nous à travers le temps, mais, condamnés à rester indéchiffrables, ils demeureront de pures énigmes.

Réalisation d’une série de dix films d’une durée d’environ 10 minutes chacun, intitulée Italian Landscapes: Resurrecting the Past

 Dans le prolongement de l’exposition, j’aimerais réaliser plusieurs films vidéo de recherche-création en lien étroit avec la problématique des paysages dans le cinéma muet italien et la place qu’occupe le peuple italien à l’intérieur de ces paysages. Contrairement à notre précédent travail, Italia, Le Feu, La Cendre, proposant une réflexion historique et mémorielle, ces films se focaliseront directement sur la puissance évocatrice des paysages, perçus comme des personnages à part entière.

Grâce aux recherches menées au cours des deux premières années, et en fonction des éléments d’archives découverts dans plusieurs institutions, je souhaite co-écrire et co-réaliser avec Olivier Bohler une série de films de montage cherchant non seulement à révéler la beauté visuelle de ces lieux, mais aussi leur rôle central dans la formation de l’identité culturelle italienne à l’écran. Les personnages anonymes évoluant dans ces paysages occuperont une place centrale. Contrairement à Italia, Le Feu, La Cendre, où les grandes figures historiques et des événements marquants du XXe siècle, étaient au centre de notre propos, cette série de films proposera de mettre en avant les paysages eux-mêmes, en tant que personnages à part entière, de restituer de manière plus directe leur impact émotionnel. Un des objectifs consistera également à s’intéresser aux anonymes souvent ignorés. Ces hommes et femmes s’imposeront comme les acteurs essentiels dans la composition de l’image et de l’émotion visuelle. Nous chercherons à capturer la puissance évocatrice de ces lieux, souvent ancrés dans un imaginaire collectif, tout en réinterprétant la manière dont ces paysages ont façonné non seulement les récits, mais aussi l’identité culturelle italienne.

Nous souhaitons explorer la question de l’abstraction du paysage en poussant le dispositif le plus loin possible dans les films qui seront réalisés. Pour cela, plusieurs principes guideront notre approche :

 Des films de montage. Sur le plan plus formel, nos films se rattacheront à un genre cinématographique que, depuis les années 1920, l’on nomme en français « film de montage », ou encore, plus récemment, de « réemploi » ou « de seconde main », suivant l’expression proposée par Christa Blümlinger en hommage au geste de ces chiffonniers du XIXe siècle, décrits par Walter Benjamin, historiens malgré eux occupés à récolter rebuts et débris pour les réagencer. Leur geste de réappropriation évoque ainsi celui propre au montage d’images d’archives, dont la finalité est de proposer une autre vision de l’histoire. Toujours selon Christa Blümlinger, le réemploi fait de l’hétérogénéité sa matrice esthétique, en s’attachant à tisser ensemble des éléments cinématographiques souvent tombés hors de l’histoire. Il est en effet important pour nous de ne pas créer une homogénéisation trompeuse du matériau archivistique, mais au contraire de chercher une forme sensible permettant de marquer les ruptures et les lacunes. Nous envisageons de réfléchir de manière constante à la juxtaposition des images entre elles, puis des musiques et des sons.

Travailler les expérimentations sonores. Nous espérons offrir aux spectateurs une expérience immersive et sensorielle, où passé et présent se rejoignent, vous voudrions, par le son, offrir, une expérience au travers de laquelle le cinéma muet italien se chargera pleinement d’une dimension contemporaine. Nous tenterons de créer des ralentis sonores et nous travaillerons la question du

 Le réemploi et collage de musiques italiennes déjà existantes. Nous souhaitons exhumer des enregistrements musicaux antérieurs aux années 1930, des opéras de Verdi à Caruso, de l’artiste futuriste Russolo, en passant par des chants populaires. Nous aimerions tresser ensemble, dès le début du montage image, des sons, des enregistrements anciens, et des musiques contemporaines qui seront composées par un musicien.

 Aucune voix-off, mais uniquement des cartons, à la fois poétiques et didascaliques, à travers lesquels le spectateur pourra identifier notre présence en tant qu’auteurs. Ces cartons exprimeront un regard contemporain sur des images du passé, et permettront un discours critique tout en évitant un ton purement théorique ou pédagogique. Nous chercherons à ce que ces phrases, rédigées de manière concise, soient parfois critiques, parfois élégiaques ou mélancoliques, car la recherche-création nous enseigne que les dimensions affectives sont une source de lucidité, plutôt que d’aveuglement.

 L’abstraction à travers la dégradation de la pellicule : Dans certains films, nous choisirons volontairement d’utiliser des extraits où la pellicule se dégrade, laissant ainsi le paysage devenir abstraction. Ce choix marquera une réflexion sur la matérialité de la pellicule. Nous demanderons aux cinémathèques de nous fournir, lorsque cela sera possible, des numérisations non restaurées des films, afin de laisser apparaître les imperfections, voire les perforations de la pellicule. Cela permettra de rappeler la fragilité du support et de souligner l’existence matérielle de ces images, tout en donnant à voir leur dégradation comme une forme d’abstraction poétique.

Pour cela nous souhaitons travailler la question du ralenti du défilement de la pellicule en la poussant le plus loin possible

Pour l’exposition, comme pour la série de films, des expérimentations sonores seront menées à Louis-Lumière. Nous savons que le défi de cette série de films sera de devoir créer ex nihilo une bande son pour ces images muettes. Pouvoir prendre le temps d’explorer différentes directions, de saisir les limites du besoin d’abstraction ou d’illustration du son dans son rapport aux images, avant même d’entamer réellement le travail de montage, nous offrirait une étape de créativité détachée des contraintes habituellement imposées par le processus de production cinématographique, qui exige généralement de se consacrer au son en toute fin de parcours, avec une exigence de rentabilité (beaucoup à faire en peu de jours) qui souvent ferait obstacle à toute hésitation, condamnant les questionnements et les incertitudes, pourtant au cœur de tout geste artistique, ce que ce cadre nous offrirait alors.

Ce projet vise ainsi à réinventer la perception de ces paysages et de leur temporalité, en jouant sur les limites entre figuration et abstraction. L’objectif consiste à réinventer les modalités de surgissement des paysages italiens qui seront perçus à travers l’usage d’innovations technologiques contemporaines.

Mise en oeuvre

Objectif de cette recherche

– Valoriser les images cinématographiques montrant le territoire italien en les considérant comme une source capable de produire de nouvelles connaissances et d’ouvrir de nouvelles perspectives méthodologiques pour la recherche historique sur le cinéma muet italien.

– Mettre à jour le corpus de films et la recherche de copies sur ce thème. Je souhaite mettre à profit ces trois années de recherche pour explorer les fonds patrimoniaux particulièrement riches en films dits dal vero : en particulier ceux de la Cineteca di Bologna et du Museo Nazionale del Cinema, ainsi que les institutions patrimoniales françaises : Cinémathèque Française, Cinémathèque de Toulouse, Direction du patrimoine cinématographique du CNC, dont les fonds sont encore particulièrement méconnus des spécialistes italiens.

– Remettre ces films en circuit par le biais de manifestations scientifiques et l’organisation de projections de films centrés sur la problématique.

Collaborations avec d’autres chercheurs et institutions 

Ce projet propose d’impulser un travail collectif entre des équipes de chercheurs en France et en Italie et aux Pays-Bas, ainsi que des institutions patrimoniales en Italie (Cineteca di Bologna, Museo Nazionale del Cinema di Torino, Cineteca Nazionale di Roma) et en France (Cinémathèque Française, Direction du patrimoine cinématographique du CNC, Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, Cinémathèque de Toulouse) et l’école École nationale supérieure Louis Lumière. 

En Italie

Je souhaite travailler avec plusieurs spécialistes du cinéma muet italien, avec lesquels je collabore depuis plusieurs années et qui m’ont dès à présent donné leur accord, en particulier : Marco Bertozzi dont les ouvrages ont contribué à la redécouverte du documentaire en Italie, Professeur à l’Università IUAV di Venezia ; Silvio Alovisio, Professeur à  Università degli Studi di Torino ; Luca Mazzei, maître de conférences à l’université de Rome Tor Vergata ; Stella Dagna, chercheuse indépendante, qui travaillait alors comme archiviste au Museo Nazionale del Cinema à Turin ; Michele Canosa Professeur à Università degli Studi di Bologna ; Ivo Blom maître de conférences au Department of Comparative Arts & Media Studies de l’université d’Amsterdam Vrije.

En France

Je prévois ensuite d’associer à ce projet les chercheurs de mon laboratoire ESTCA (Esthétique, sciences et technologies du cinéma et de l’audiovisuel) de l’Université Paris 8, qui fondent leurs travaux à la fois sur les archives cinématographiques et l’histoire du cinéma. En premier lieu, Camille Blot-Wellens (MAST) pourra apporter une importante expertise sur les aspects à la fois méthodologiques mais aussi juridiques des archives. Emmanuel Dreux (MCF) pourra apporter son expertise sur les relations qui se nouent entre le paysage et les films burlesques. Enfin, je prévois d’associer également Noah Teichner, qui travaille sur le cinéma burlesque américain et offrira un point de comparaison important dans la manière dont les deux nations ont appréhendé, à travers le cinéma, la question du paysage. Il s’agira parallèlement de relier l’ensemble de ces questionnements avec les recherches engagées par les spécialistes du cinéma des premiers temps qui travaillent, en France et à l’étranger, sur l’usage des archives, et contribuent à l’épanouissement de nouvelles approches historiques du cinéma des premiers temps. Mes collègues Cécile Sorin (PR) et Dork Zabunyan (PR) apporteront une dimension plus contemporaine dans l’appréhension du paysage italien, en enrichissant la réflexion sur les représentations actuelles et passées des territoires. Leur approche, souvent en prise avec des questionnement sociaux et politiques, viendra ainsi compléter l’exploration des paysages cinématographiques italiens en intégrant des perspectives actuelles.

Du côté des chercheurs Français extérieurs à l’Université Paris 8, Laurent Véray (professeur à l’Université Sorbonne nouvelle-Paris 3) souhaite réfléchir à l’articulation entre le paysage et la guerre à l’intérieur des films de notre corpus. Jitka de Préval (chercheuse indépendante, association Kinetraces) a accepté de travailler sur les films que l’opérateur de la firme Pathé, Camille Legrand, a réalisés en Italie. Laurent Guido (professeur à l’Université Sorbonne nouvelle-Paris 3) pourra questionner la place du corps à l’intérieur des paysages italiens, à travers le motif de la danse mais aussi, des gags burlesques.

Il s’agira parallèlement de relier l’ensemble de ces questionnements avec les recherches engagées par les spécialistes du cinéma des premiers temps qui travaillent, en France et à l’étranger, sur l’usage des archives, et contribuent à l’épanouissement de nouvelles approches historiques du cinéma des premiers temps. Nous pourrons ainsi réunir ces chercheurs afin de leur permettre de collaborer et d’obtenir de nouveaux résultats. En ce qui me concerne, ma participation à l’organisation d’atelier et la tenue deux colloques internationaux ainsi que mes publications m’offrent une place idéale pour cette partie collective de la recherche et me permettent d’être sûre de l’intérêt porté par la communauté internationale aux questions soulevées par cette recherche.

Enfin, je souhaite également collaborer étroitement avec des historiens de l’art, en particulier Natacha Pernac et Thierry Dufrêne de l’Université Paris Nanterre dont les compétences complémentaires enrichiront le projet en permettant d’explorer de manière approfondie les interactions entre le cinéma et la peinture italienne. Leur expertise dans l’analyse des représentations artistiques du paysage en Italie, offrira un éclairage essentiel pour envisager les dynamiques culturelles et esthétiques qui traversent à la fois le cinéma muet et les arts visuels de cette période. Cette approche interdisciplinaire permettra ainsi de mieux comprendre comment le paysage italien a été mis en scène et réinterprété au croisement du cinéma, de la peinture, et de la sculpture. Je souhaite également travailler avec Anne-Violaine Houcke, spécialiste du cinéma italien et des représentations de l’Antiquité à l’écran, dont les recherches consistent à questionner les rapports entre cinéma et autres formes artistiques dans la circulation des imaginaires antiques, tout en intégrant les nouveaux enjeux posés par le numérique.

Pour la partie qui concerne la recherche-création, Louis Lumière, l’idée est de produire un écosystème innovant entre des enseignants-chercheurs internationaux, issus de différentes universités et une école d’art des élèves en école d’art, de l’ENS Louis-Lumière issus de la filière Image et de la filière Son. Pour cela il s’agira de prendre appui sur ce nous avons réalisé à l’occasion du projet précédent, grâce à l’initiative de Giusy Pisano, à celle de Pascal Martin, enseignants à l’ENS Louis-Lumière.

 

DIFFUSION DES RESULTATS DE LA RECHERCHE
Publications

Un des résultats majeurs sera la publication du livre intitulé Rome dans le cinéma muet italien : paysages et monuments. Cette monographie propose d’explorer la manière dont Rome a été représentée dans les films de cette période. La capitale italienne, contrairement à d’autres villes comme Naples, Turin et Milan, n’a jusqu’à présent jamais fait l’objet d’une étude approfondie par les spécialistes du cinéma muet, restant ainsi en dehors des routes cartographiques tracées jusqu’à ce jour. Cela probablement en raison d’une convergence entre la complexité urbaine de Rome, l’accès difficile aux pellicules (ne subsistant parfois que sur support nitrate inflammable) ou encore la prétendue rareté des sources filmiques de référence (qui grâce aux restaurations de nombreux films sortent enfin de l’ombre).
Plusieurs articles académiques seront également publiés, contribuant à la recherche sur les paysages dans le cinéma muet italien. Parmi eux un article sera publié pour la revue Immagine. Note di storia del cinema, n°28, dirigé par Ilaria Agostini, Silvio Alovisio, Stella Dagna et Alessandro Faccioli dans le cadre du dossier “Silentscapes” (1896-1922), prévu pour 2025 ou encore un chapitre sur les paysages immortalisés par Febo Mari, dans un volume dirigé par Silvio Alovisio, intitulé Febo Mari. Il Fuoco, La Cenere (Kaplan, Turin, décembre 2025), apportera une perspective sur la relation entre l’art dramatique et les paysages dans l’œuvre de ce cinéaste. Ou encore :  » Recréer la France depuis l’Italie Il Processo Clémenceau (Alfredo De Antoni, Caesar Film, 1917) et au-delà. Les mélodrames du cinéma muet italien au prisme du paysage ».

Données

Le projet générera d’importantes données de recherche, principalement sous la forme de fichiers numériques des films qui seront numérisées au cours de nos travaux, issus de films pellicule. Certains de ces films, issus des collections de la Cinémathèque française, de la Direction du Patrimoine du CNC, et d’institutions partenaires pourront être déposés sur la plateforme HENRI, permettant un accès gratuit à ces œuvres. Ces films muets italiens seront également diffusés lors d’expositions, projections et conférences organisées durant les trois ans du projet, facilitant ainsi leur partage avec le public.

Concernant le stockage, les fichiers numériques des films seront conservés sur des disques durs sécurisés, avec des sauvegardes régulières pour éviter toute perte. Les supports physiques originaux pellicules resteront sous la responsabilité des institutions patrimoniales, mais les copies numériques, seront aussi conservées par le responsable du projet pour faciliter l’accès et l’étude.

Une base de données sera créée pour centraliser l’ensemble de ces informations : les films déjà numérisés et les films pellicules. Elle recensera environ 1 000 films italiens (1896-1922) conservés dans les plusieurs grandes archives, incluant le Museo Nazionale del Cinema, la Cineteca di Bologna et le CNC. Cette base précisera les copies numérisées (4K, 2K, etc.), les copies conservées sur pellicule (positif, négatif, internégatif) ou sur support analogique (Betacam, HDcam, VHS), et la langue des intertitres. L’analyse des films inclura une classification conceptuelle (Fleuve, Montagne, Ville, etc.) et l’identification topographique des lieux de tournage, en collaboration avec des chercheurs de Rome et Turin. La base de données, une fois finalisée, pourrait être mise en ligne sur le site d’ArTeC, offrant ainsi un accès aux chercheurs et au public. Cette partie sera réalisée en étroite collaboration avec mes collègues Luca Mazzei (Rome) et Silvio Aloviso (Turin).

Valorisation

Ce projet combine recherche scientifique, diffusion publique et création artistique pour valoriser et redécouvrir le patrimoine cinématographique muet italien, tout en mettant en lumière la relation profonde entre paysage et cinéma. Au-delà des publications des articles proposés et des productions artistiques réalisées. Entre 2025 et 2027, des manifestations scientifiques, des rencontres et restitutions au public seront organisées. La participation à plusieurs séminaires et l’organisation de deux colloques internationaux permettront d’aborder les problématiques évoquées. D’autre part, les résultats de ce projet seront valorisés de manière plurielle par une programmation régulière de films avec un accompagnement musical ainsi que l’édition d’un DVD. (cf le planning des valorisations joint dans le dossier de candidature).

 

PLANNING

BUDGET

ANNEXE(S)

9_ArTec_ANNEXE_Programme_Colloque_Lettres.pdf