Titre du projet :
Porteur·e :
Hedjerassi Nassira |
Courrier électronique :
Nassira.Hedjerassi@inspe-paris.fr |
Adresse :
Campus Condorcet Bâtiment Nord 15 rue Waldeck Rochet, 93300 Aubervilliers |
Téléphone :
0695081531 |
Statut :
PR |
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Institution du porteur·se du projet :
Université Paris 8 (UP8) |
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CV du porteur·se de projet :
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Biographie du porteur·se de projet :
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Institution partenaire | Laboratoire | Lettre d’engagement |
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Centre national de la recherche scientifique (CNRS) | LETTRE_M_Gourarier_CNE_Engagement.pdf |
NOM et Prénom | Institution – Statut |
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Borghi, Rachele | Sorbonne Université Statut : MCF |
Leichman, Jeffrey | Louisiana State University (USA) Statut : Associate Professor en Études françaises |
Catros, Simon | Éducation, Discours, Apprentissages (EDA, URP 4071, Université Paris Cité) Statut : MCF |
Dellaï, Sameh | Laboratoire de Culture, Technologie et Approches philosophiques (PHILAB, Université Tunis 1) Statut : ATER |
Dor, Tal | Aix-Marseille université Statut : MCF |
Guénif-Souilamas, Nacira | Université Paris 8, LEGS Statut : PR |
Nicolas, Hélène | Université Paris 8, Département Etudes genre, LEGS Statut : MCF |
Paz, Diego | associé au Legs et Brésil Statut : Chercheur |
Rundgren, Heta | Philomel (Initiative genre Alliance Sorbonne) Statut : Chercheur |
Sadeghipouya, Mahdis | Laboratoire d’études et de recherche en sociologie (LABERS – UR 3149), Université Bretagne Occidenta Statut : ATER études de genre et sociologie |
BENAC Karine | Université des Antilles Statut : MCF |
- La création comme activité de recherche
- Les nouveaux modes d’écritures et de publications
- Quelle est la durée du projet : 2 ANS
Notre projet de recherche-création pédagogique porte sur la question de la transmission de l’Histoire, en l’occurrence coloniale, interrogeant les trous, non-dits, silences dans les récits et les mémoires et leurs conséquences pour les descendances. Nous nous centrerons sur la Guerre d’Algérie. Dans une perspective féministe décoloniale, nous faisons le choix de nous intéresser à la transmission de cette histoire du côté des protagonistes algérien·ne·s, centralement les figures féminines. Notre recherche-création pédagogique reposera sur un travail avec des étudiant·e·s (notamment avec des ascendances algériennes). Il s’agira dans une relation horizontale collaborative de créer de nouvelles manières de faire de la recherche sur ces questions mémorielles, engendrant de nouveaux savoirs incarnés, de nouvelles méthodologies et circulation des savoirs dans une perspective décoloniale qui met au centre le savoir, fût-il prétendus non-savoir, savoir inchoatif ou en friches.
« On n’entend pas la voix des femmes. C’est à peine un murmure. Le plus souvent c’est le silence. Un silence orageux. Car le silence engendre le don de la parole »
Kateb Yacine (4 avril 1984)
Notre projet de recherche-création pédagogique porte sur la question de la transmission, notamment matrimoniale, de l’Histoire, en l’occurrence coloniale, interrogeant les trous, non-dits dans les récits et les mémoires et leurs conséquences pour les descendances. Nous nous centrerons sur l’Algérie pour des raisons subjectives et pour le caractère particulier de la Guerre d’Algérie, longtemps qualifiée d’événement et refoulée du côté de la France, une politique de l’oubli ayant institutionnalisé en quelque sorte le silence, comme l’a montré l’historien Benjamin Stora.
Outre l’oubli, les silences, les fantômes l’entourant, cette histoire se caractérise par la pluralité de ses acteurices. Comme très souvent, cette histoire refoulée dans l’Histoire a longtemps été oublieuse des voix féminines qui la composent, même si de manière générale, le processus de « silenciation » a frappé toustes les protagonistes (Algérien·ne·s et militant·e·s français·es ayant combattu pour l’indépendance, harkis, supplétifs des forces françaises, Françai·se·s d’Algérie, appelés français).
Dans notre projet, selon l’approche féministe décoloniale que nous privilégions dans nos recherches participatives, nous faisons le choix de nous intéresser à la transmission de cette histoire du côté des protagonistes algérien·ne·s, centralement les figures féminines.
D’un silence en héritage à la (re)conquête de la mémoire par la création et la recherche-création pédagogique
Cette guerre « sans nom » a longtemps été la grande oubliée des recherches, mais elle bénéficie ces dernières décennies d’un puissant renouveau au niveau national comme international.
Différents pans des non-dits ont été levés (tortures, camps de regroupement, viols…), et l’enseignement de cette histoire, qui a également considérablement évolué, est travaillé dans des recherches (Lantheaume, Falaize, De Cock).
La question de la transmission des traumas liés à cette guerre est également documentée. Ainsi, les thèses en psychologie de Malika Mansouri comme de Safia Metidji mettent en évidence les effets subjectifs des violences de l’histoire coloniale et leurs conséquences psychiques, reconduites aux générations suivantes.
À côté des travaux scientifiques, nous notons, ces dernières années, un travail de la part des descendant·e·s pour recueillir des éléments de cette histoire, et éviter qu’elle ne disparaisse avec leurs ascendant·e·s. Et cette trouée dans le mutisme des (grands)-parents passe surtout par des figures féminines.
Des thèses en sociologie (Kydjian, 2016), en science politique (Morin, 2022) interrogent le rapport à cette Guerre, de différentes générations, notamment la dernière et l’historienne Raphaëlle Branche a consacré sa dernière recherche à la transmission familiale pour comprendre les « structures de silence » du côté des appelés français.
De manière très intéressante, on observe que c’est beaucoup au travers de productions artistiques que cette histoire, ces mémoires sont explorées. L’historienne de l’art Émilie Goudal (2019) identifie un tournant dans les années 2000 : les artistes produisent alors selon les termes de l’historienne du cinéma Teresa Castro « une forme de « contre-histoire », ou d’« histoire alternative » » « aux discours officiels sur l’histoire ». Pour l’historienne de l’art Érika Nimis, ces artistes de la génération née après 1962 jouent un rôle de « passeuses ». En littérature, on peut penser à la pionnière Leïla Sebbar, aux contemporaines Alice Zéniter (L’Art de perdre), Faïza Guène (La discrétion) pour qui « La fiction, c’est écrire un son pour taire les silences ».
En arts visuels, la figure emblématique est Zineb Sedira qui mène un travail mémoriel lié à son histoire familiale, affirmant l’importance du rôle des femmes dans la transmission de la mémoire. Selon ses mots, elle « essaie de recréer une archive à partir du silence, du vide », ce que Nathalie Piégay-Gros nomme l’archive minuscule, « l’archive des obscurs, voire l’archive manquante d’existences si ténues qu’aucune trace n’en garde mémoire ». Dans la veine des Mémoires d’immigrés par Yamina Benguigui, nombre de descendantes produisent des documentaires, films, podcasts (Ma mère, histoire d’une immigration, Résistantes, À Mansourah, tu nous as séparés, Leur Algérie, Revenir, Algériennes en France : l’héritage, Aucune rue ne portera ton nom, La Maquisarde…).
Notre projet de recherche-création pédagogique repose sur un travail avec des étudiant·e·s (notamment avec des ascendances algériennes). Il s’agit d’expérimenter une approche originale qui se distingue des productions historiographiques classiques sur les mémoires de la guerre d’Algérie et des propositions d’enseignement de cette guerre, certes renouvelées ces dernières années (avec l’intervention de témoins, le recours à des BD).
Par ce projet, nous entendons contribuer au développement de la recherche-création pédagogique ou « créagogie », pour reprendre le terme utilisé par la metteuse en scène et directrice du Théâtre du Peuple, Julie Delille. C’est ce qui constitue l’originalité et le potentiel de notre projet, au niveau tant local, national qu’international.
Cette approche qui met en dialogue de manière fructueuse l’histoire avec d’autres disciplines permet de créer ce que M. Mansouri désigne comme des « espaces de métaphore », transformant « l’indicible en savoir », produisant ainsi de nouveaux savoirs, ce que reconnaissent des historien·ne·s tel·le·s Benjamin Stora, Raphaëlle Branche, Pierre Vidal-Naquet ou encore Ivan Jablonka, pour qui « les œuvres de création, comme les témoignages, même lestés des « dépôts de l’imaginaire, du mensonge des idéologies » peuvent « aussi faire apparaître des dimensions du réel qui n’étaient pas perçues comme telles au moment des faits » (Brun, 2014, p. 74).
Ce travail qui porte sur les questions de transmission des mémoires coloniales, notamment de la guerre d’Algérie, comportera plusieurs volets complémentaires.
Dans la première phase du projet (premier semestre 2025), nous proposerons un cycle d’ateliers et de séminaires aux doctorant·e·s du Legs (cette proposition sera inscrite et valorisée dans l’offre de l’École Doctorale Pratiques et Théories du Sens – ED31- dont relève le Legs), voire aux étudiant·e·s du Master Études de Genre adossé au Legs (en l’inscrivant dans l’offre de formation).
Les workshops proposés porteront sur les questions mémorielles et de transmission, centralement de mère(s) à fille(s), en contexte interculturel, et en lien avec les mémoires coloniales. Lors de ces séminaires, nous lirons des textes, visionnerons des productions, écouterons des podcasts, rencontrerons et discuterons avec des chercheur·e·s et des autrices/créatrices (en invitant en binôme les pionnières et des contemporaines).
Un appel à participer au projet l’année universitaire 2025-2026 sera lancé en direction des étudiant·e·s, des élèves des universités/écoles/instituts de rattachement des membres de l’équipe du projet, que nous travaillerons en amont à valoriser dans les curricula de formation.
Outre les workshops sur les questions mémorielles, des travaux d’écriture créative seront proposés pour rendre communs des témoignages inédits, rendre audibles des voix oubliés. Nous nous appuierons sur l’expérience de Karine Bénac (Bénac, Gillot & Le Guyader, 2022) et de Mélanie Gourarier (co-organisatrice et co-animatrice d’un cycle d’ateliers interlaboratoires, Centre Norbert Elias & Legs), et une collaboration des collègues du Master Écriture littéraire de l’université Paris 8.
Pour le travail de mise en scène et espace de cette recherche-création collective, les participant·e·s volontaires seront accompagné·e·s par la compagnie Kré-Ambule, sous la houlette de Karine Bénac, par le collectif Zarra Bonheur (Rachele Borghi, Slavina), et par Paul Santiages.
Outre les ateliers, la phase de déploiement du projet lui-même comportera un volet de recherche documentaire archivistique, et de terrain (en France comme en Algérie). Nous prévoyons notamment des prises d’images ici et là-bas, en amont du travail de mise en scène.
Les participant·e·s seront formé·e·s et accompagné·e·s dans ce travail de recueil de données (archives écrites, orales, et toute autre trace possible, telle que des photographies, des correspondances, des objets…) par Simon Catros, historien de formation.
Tout le processus de recherche-création sera documenté par une approche (auto)ethnographique pilotée par Mahdis Sadeghipouya : tenue d’un journal (écrit, sonore, visuel, pictural…), réalisation d’entretiens, d’observations participantes, captations pour pouvoir analyser ce qui se passe, joue pour les différent·e·s participant·e·s au projet.
Outre les performances sur scène, les captations sonores/audiovisuelles, la couverture photographique, auxquelles elles donneront lieu, qui circuleront dans les différentes institutions de rattachement des membres de l’équipe (universités, écoles, instituts), nous prévoyons un ouvrage dans une démarche de recherche-création archivistique collective.
Un partenariat est en cours de discussion avec le Musée de l’histoire de l’immigration et le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MUCEM) pour accueillir les créations co-réalisées et/ou leurs traces.
Nous valoriserons cette expérience de recherche-création pédagogique dans des revues en open access (notamment Genre, sexualité & société, Genre & Histoire, Fabula LhT).
Nous prévoyons la publication d’une monographie collective/collaborative.
Selon ce qui sera convenu avec les participant·e·s au projet, les données de la recherche seront diffusables/partageables.
Les captations des performances sont appelées à être des archives.
Performances publiques : extraits en mars 2026 lors du Printemps des Humanités, organisé par le Campus Condorcet, en juin 2026 au Mucem, en octobre 2026 au Musée de l’histoire de l’immigration, exposition mobile circulant en différents lieux (Humathèque, médiathèques de St Denis, de Marseille, Journée du patrimoine, sept 2026, fête de Paris 8, automne 2026…).
Les captations/photographies des performances, du travail plateau (si les autorisations sont données), du travail de recherche-création seront mises sur le média archipélique d’ArTeC.