Dominique WILLOUGHBY (laboratoire ESTCA, université Paris 8)
Ce projet de recherche, création et formation mené en partenariat par les laboratoires ESTCA de l’Université Paris 8 et l’ENS Louis-Lumière se fonde sur une archéologie de l’expérimentation dans le domaine du cinéma et des images animées au double prisme de :
Le projet vise à produire un nouveau récit des pratiques et des œuvres relevant d’une archéologie concrète des médias et médiums des images animées, envisagés sur la longue durée en fonction des différents âges et milieux techniques au sein desquels elles ont pu se concrétiser, selon des esthétiques spécifiques et distinctes des formes dominantes de la narration et du documentaire.
Le projet est caractérisé par une double approche théorique et pratique ou de recherche et de création portant d’une part sur l’étude des archives du domaine (textes théoriques fondateurs, écrits de cinéastes et d’artistes, programmes, manifestations, expositions, mais également films, vidéos, dispositifs, machines, supports) et d’autre part sur des formes d’archéologie expérimentale reconstituant des dispositifs et des présentations originales, et en proposant des formes actualisées.
Présentation du projet scientifique
Une grande majorité des travaux consacrés au cinéma expérimental et aux avant-gardes a paradoxalement reconduit la méthodologie classique de l’histoire de l’art en général et de l’histoire du cinéma industriel en particulier, privilégiant les approches monographiques, les périodisations et découpages par “courants” et “mouvements”, ou abordant leurs objets selon des modèles et discours constitués extérieurement au cinéma (arts plastiques, littérature, études culturelles, etc.), lesquels négligent les spécificités concrètes des médiums des images animées— dimension dont témoignent pourtant éloquemment certains écrits de cinéastes.
Parallèlement à l’industrialisation des techniques de fabrication et de diffusion du cinéma, au cours de leurs âges graphiques, photographiques et électroniques (analogiques et numériques), le cinéma expérimental et les avant-gardes, puis l’art vidéo et la création numérique ont pourtant systématiquement traversé l’histoire de l’art et des médias à contre-courant (on pourrait ainsi considérer qu’ils n’ont jamais été véritablement “contemporains”) et constitué un lieu de détournement des dispositifs, d’invention de formats non standard, de bricolage des outils, d’hybridations techniques, de réinventions artistiques et de remédiation des technologies qu’ils se sont appropriées. On s’étonnera donc que la singularité et l’impureté ou hybridité des objets audiovisuels en résultant n’aient pas davantage “dérouté” la linéarité propre à l’historiographie traditionnelle.
En s’inscrivant dans le “temps profond” de l’archéologie des médias, notre projet de recherche et de formation doit contribuer à l’élaboration d’une approche et d’un récit alternatifs à celui de l’historiographie classique, soit à l’élargissement de perspective appelé par ses objets, plus attentif aux pratiques, aux milieux techniques et aux cultures matérielles dont ils témoignent et dans lesquels ils s’inscrivent concrètement — y compris à l’endroit des expériences solitaires et des accidents volontaires.
Il s’agit par conséquent d’effectuer un retour sur l’histoire longue des expérimentations, inventions et pratiques artistiques des images animées, de leurs interdépendances esthétiques et techniques, selon une approche à la fois théorique et pratique – expérimentale, et une méthodologie permettant d’y associer et d’encadrer des projets de Master et de doctorats en recherche création dans le domaine du cinéma et des images animées.