Appel à communication – La fabrique de la participation culturelle

La fabrique de la participation culturelle. Plateformes numériques et enjeux démocratiques

Clôture de l’appel : 31 janvier 2020

Site web du colloque : https://collabora.sciencesconf.org/

Au cours des dernières décennies, la participation citoyenne a fortement augmenté à l’échelle mondiale dans des domaines aussi différents que la politique, l'économie, les médias et les sciences. De la démocratie participative à l'économie collaborative, du crowdsourcing à la Civic Tech, ces nouvelles formes d'organisation politique, économique et technologique, tout en se heurtant à des mouvements contraires, sont en train de changer la société. Les technologies numériques ont favorisé cette tendance en offrant de nouvelles possibilités d’expression et d’organisation et en fonctionnant comme levier d’innovation dans différents secteurs. Par ailleurs, la diffusion de la culture du numérique, au-delà des outils en tant que tels, a porté à l’affirmation d’un tournant expressiviste qui insiste sur l’empowerment des citoyens rendu possible par les technologies numériques et sur l’expression créative de l’émancipation individuelle. Dans ce contexte de la “participation partout”, le monde de la culture a été également confronté à ce phénomène de transformations et d’évolutions rapides basées sur le participatif. Citons par exemple l’organisation d’un Grand Débat Culture en parallèle du Grand Débat National qui semblait avoir oublié les enjeux émergents liés à l’ouverture participative de ce secteur.

Le web, d’abord avec les blogs et les autres outils web 2.0 puis avec les réseaux sociaux et les plateformes collaboratives, a permis aux pro-amateurs de pouvoir partager et diffuser leurs connaissances au plus grand nombre dans de nouveaux espaces reposant essentiellement sur la culture de l’ouverture et des biens communs, qui pourraient sembler plus propice à la démocratie. Non seulement les musiciens, les artistes, les écrivains amateurs peuvent diffuser leurs œuvres à travers des plateformes comme SoundCloud ou Wattpad, mais également les cinéphiles, les fans de séries ou les passionnés d’art et de patrimoine peuvent faire sentir leur voix sur des plateformes comme SensCritique, FanFiction ou sur des pages Facebook dédiées (voir le n° 153, de Réseaux « Passionnés, fans et amateurs », 2009). Aujourd’hui plus que jamais, ces plateformes contributives (qu’elles soient institutionnelles, commerciales ou associatives) s’inscrivent comme vecteurs de nouvelles formes d’engagements, de partage et de diffusion des savoirs et des mémoires dans le domaine de la culture et en même temps ouvrent au risque d’exploitation et d'ubérisation des productions intellectuelles.

Face à cette nouvelle donne, les institutions culturelles ont porté un intérêt croissant à la création de démarches participatives et au rôle que pourrait jouer le numérique dans leurs activités de médiation et valorisation. À ce titre, nous pouvons citer le rapport Chevrefils-Desbiolles (2012) qui décrit « les mutations profondes que connaissent, avec l’essor de la culture numérique et de l’Internet, les conditions d’accès à la culture, mais aussi les pratiques artistiques et culturelles notamment des amateurs ». De même, les journées professionnelles organisées par le ministère de la Culture en 2017 ont été totalement dédiées à la participation. En même temps, le ministère a défini la « recherche culturelle participative » en tant que priorité dans sa stratégie de recherche (2017-2021). La préoccupation des institutions culturelles est, non seulement de mieux comprendre ces phénomènes de construction participative de savoirs, mais surtout d’orienter l’énergie et l’enthousiasme des citoyens vers l’enceinte des musées, archives, bibliothèques, théâtres, etc.

En résumé, les pratiques culturelles des individus sur les temps du hors travail ou du loisir, de manière individuelle ou en communautés d’appartenances, seraient modifiées et transformées à travers le numérique les positionnant dans de nouvelles pratiques de contributions en ligne et allant même jusqu’à rivaliser avec les connaissances des experts et leurs légitimités de connaissances. Pour identifier ces tensions entre d’un côté un phénomène en plein essor dans le domaine de la culture, et des institutions qui souhaitent porter un intérêt croissant aux démarches participatives, nous organisons un colloque qui ambitionne d’interroger les cadres théoriques, empiriques et politiques de la fabrique de la participation culturelle. Ce colloque vise donc à questionner plusieurs spécificités de ce phénomène sous différents angles, mais aussi à approfondir les enjeux démocratiques liés à la diffusion de projets numériques de participation culturelle. Une attention particulière sera portée au phénomène émergent des plateformes culturelles contributives (institutionnelles ou commerciales) qui sont en train de s’imposer comme outil de prédilection de création, de documentation et de valorisation d’objets culturels. 

Ce colloque, organisé par l’EA Dicen-IDF, qui s’inscrit dans la continuité du projet ANR COLLABORA, des travaux de la COMUE Université Paris Lumières, du Labex Les Passés dans le Présent et de l’EUR ArTeC, s’organisera autour de cinq axes principaux de réflexion.

1. Les acteurs de la contribution en ligne

Cet axe propose de mettre en discussion les différents acteurs de la contribution en ligne comme les amateurs (bénévoles, généalogistes, fans, passionnés, etc.) et les institutions publiques et privées du patrimoine et de la culture, ainsi que les associations qui s’inscrivent dans de nouvelles dynamiques à la fois sociales et culturelles et qui apparaissent dans les discours accompagnateurs. Par ailleurs, il sera intéressant d’approfondir les interactions avec les acteurs commerciaux de la participation culturelle qui ont lancé des plateformes qui vont concurrencer les initiatives institutionnelles. Quels sont les motivations et intérêts de ces acteurs ? Quels sont les modèles économiques en jeu ? Quelles sont les interactions et les nouvelles configurations sociales et organisationnelles que les projets contributifs génèrent entre ces acteurs ? Cet axe vise à interroger comment les différents acteurs participent aux dynamiques de conception ainsi qu’à celles de réception de ces plateformes.

2. Enjeux politiques et angles morts de la participation numérique

Cet axe vise à approfondir les différentes formes de participation citoyenne et d’innovation démocratique dans le domaine de la culture, notamment en lien avec l’emploi des technologies numériques. Les travaux pourront examiner les défis soulevés par les nouveaux modèles d'engagement des acteurs de la société civile en se concentrant sur le développement de questions éthiques et juridiques, telles que: les politiques de gestion de données produites sur ces plateformes face à de nouvelles obligations sociétales (science ouverte, RGPD, etc.) ; le travail numérique et le droit d'auteur; l'intégration des résultats des processus participatifs dans l'élaboration des politiques; la mise en place d'un système d'évaluation de la participation et des connaissances collaboratives. Sont également attendus des travaux qui associent des considérations sur les protocoles documentaires, les politiques d’éditorialisation et l'infrastructure technologique avec l'analyse des politiques et des pratiques de collaboration. Dans ce cadre, il sera intéressant d’interroger les angles morts de la participation en ligne générés par le décalage entre impératifs technologiques (interopérabilité, normalisation, accès et pérennité de données) et les besoins expressifs et émotionnels des acteurs sociaux (droit à l’oubli et au secret, zones d’opacités, dynamiques de résistance, etc.).

3. Connaissance et reconnaissance

Cet axe de réflexion porte sur les nouveaux modes de connaissance (de l’objet, de soi, des autres) et de production des savoirs qui s’engendrent au sein des dispositifs participatifs en ligne. L’observation des pratiques de participation numérique dans la spécificité du secteur culturel nous permet, en effet, de nous poser des questions d'ordre épistémologique. Cet axe propose alors deux approches. D'une part, il vise à approfondir les enjeux scientifiques liés au mouvement émergent des recherches culturelles participatives et à évaluer la valeur scientifique des connaissance produites dans ces contextes. D'autre part, il interroge les procédés de reconnaissance et d'autorité propres aux communautés. Sur cette question, les procédés liés au design et aux dynamiques de conception de la plateforme sont les bienvenues. Les travaux portant sur les modalités d'accès aux connaissances produites en participation et à leur conservation pérenne trouveront également place dans cet axe.

4. Mémoires collectives et patrimoines partagés

Cet axe vise à interroger les processus de construction patrimoniale et mémorielle médiés par des dispositifs numériques. Il regroupe toutes les études sur les pratiques de construction, d'appropriation, de médiation et d'éditorialisation du patrimoine culturel et mémoriel impliquant une approche collective ou participative. Il vise à construire une vision réflexive en adoptant des positions telles que celle adoptée par les études critiques sur le patrimoine. D’un côté, des travaux pourront se concentrer sur la fabrique de la participation culturelle selon une perspective historique, en étudiant la production participative de connaissances que l'on peut trouver dans les sociétés occidentales et orientales, anciennes et modernes, dans le domaine de la culture. D’un autre côté, des travaux pourront approfondir les nouvelles politiques mémorielles dans lesquelles le citoyen devient contributeur actif et les mémoires récoltées sur une plateforme deviennent des ressources potentielles pour l'avenir. Enfin, des communications pourront se concentrer également sur la diffusion de plateformes contributives dans les archives et sur leur impact sur les politiques de documentation et de diffusions des mémoires citoyennes.

5. Défis de la plateformisation

Cet axe repose davantage sur une représentation macroscopique en insistant sur plusieurs points. Il s’agira d’approfondir le phénomène de la plateformisation dans le domaine de la culture en posant l’accent sur les formes de rationalisation des pratiques et sur la pression du modèle économique, qui en découlent. De même, l’axe interrogera les particularités juridiques autour des questions des acteurs des plateformes : article de loi, contrats de travail, réglementations spéciales destinées à encadrer les acteurs de plateformes. Enfin, dans ce cadre, il serait intéressant de se pencher sur le statut du travailleur des plateformes qu'elles soient ou non institutionnelles : le statut des contributeurs du domaine culturel rencontre-t-il les dynamiques de digital labor ? Quels nouveaux équilibres s'élaborent entre les métiers traditionnels de la culture (médiation, critique, édition...) et les rôles des contributeurs dans les modèles participatifs ? Quelle est la place des contenus produits dans le modèle économique des plateformes ?

Types et format des communications attendues

Les propositions de communication peuvent porter sur des expériences en cours, des études empiriques, des réflexions théoriques ou des analyses comparatives. Elles peuvent venir du monde académique ainsi que du monde institutionnel et associatif.

Les propositions de communication devront se conformer au modèle disponible. La taille du texte devra être comprise entre 8 000 et 12 000 signes. Les auteurs devront aussi indiquer dans quel axe s’insère leur proposition. Les propositions seront examinées par le comité scientifique du colloque.

Les textes feront l’objet d’un recueil numérique qui sera diffusé lors du colloque et publié sur HAL. Les différentes sessions thématiques pourront prévoir la valorisation des contributions sous forme de numéro de revue ou d’ouvrage collectif. Un appel d’Études de Communication sera lancé à partir des travaux du colloque. 

Les propositions de communication sont à déposer sur :https://collabora.sciencesconf.org/

Modalité de soumission des propositions de communication

Clôture de l’appel : 31 janvier 2020

Réponse aux auteur.e.s : 15 mars 2020

Textes finaux : 15 mai 2020

Dates du colloque : 6 et 7 juillet 2020

Lieu

EA Dicen-IDF

Paris, CNAM - 2 rue Conté, 75003 Paris (métro Arts et Métiers)

Comité scientifique

Romain Badouard, CARISM, Université Paris 2 Panthéon-Assas

Lionel Barbe, DICEN-idf, Université Paris Nanterre

Valérie Beaudouin, SES, ParisTech Télécom

Evelyne Broudoux, DICEN-idf, Université Paris Nanterre

Nathalie Casemajor, Centre Urbanisation Culture Société, INRS, Montréal

Lisa Chupin, DICEN-idf, Université Paris Descartes

Yves Citton, EUR ArTeC, Université Paris 8

Camille Claverie, DICEN-idf, Université Paris Nanterre

Sarah Cordonnier, ELICO, Université de Lyon 2

Valérie Croissant, ELICO, Université de Lyon 2

Jean-Marie Dallet, TEAMED, Université Paris 8

Mélanie Dulong de Rosnay, CIES, CNRS

Karën Fort, STIH, Sorbonne Université

Sarah Labelle, LabSIC, Université Paris 13

Hervé Le Crosnier, C&F éditions

Clément Mabi, Costech, Université Technologique de Compiègne

Francesca Musiani, CIES, CNRS

Cécile Payeur, DICEN-idf, Université Paris Nanterre

Vincent Puig, IRI, Centre Pompidou

Franck Rebillard, IRMÉCCEN, Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3

Claire Scopsi, DICEN-idf, CNAM

Alexandra Seammer, CEMTI, Université Paris 8

Antonin Segault, DICEN-idf, Université Paris Nanterre

Marta Severo, DICEN-idf, Université Paris Nanterre

Yves Sintomer, CRESPPA, Université Paris 8

Daniel Siret, UMR AAU, ENSA Nantes

Cécile Tardy, Geriico, Université de Lille

Olivier Thuillas, DICEN-idf, Université Paris Nanterre

Matteo Treleani, SIC.Lab Méditerranée, Université Nice Sophia Antipolis

Stéphanie Wojcik, CEDITEC, Université Paris Est Créteil

Manuel Zacklad, DICEN-idf, CNAM

Comité d’organisation

Romain Bigay, DICEN-idf, Université Paris Nanterre

Irene De Togni, DICEN-idf, Université Paris Nanterre

Marta Severo, DICEN-idf, Université de Nanterre

Contact

Pour toute question : collabora@sciencesconf.org