2024 - 2026
Icare Bamba
Le projet de thèse se propose d’analyser à nouveaux frais le phénomène vidéoludique, à travers une phénoménologie des procès d’incorporation et de subjectivation à l’œuvre dans l’expérience des jeux vidéo (principalement en 1ère et 3ème personne). Ce faisant, on interprète le jeu comme dispositif esthétique virtuel et matériel, caractérisé par une relation fusionnelle troublante entre le corps jouant et la machine qui le stimule et le simule dans le monde d’image. Ce rapport érotique étrange semble révéler des propriétés particulières du corps propre, tout en le reconfigurant dans ses procès de perception et d’individuation.
Cette reconfiguration est interprétée — à partir d’une lecture assidue de Husserl (Idées II…) et de la tradition phénoménologique (Fink, Heidegger, Merleau-Ponty,…) ; et des auteurs de la 1ère théorie critique, notamment Benjamin et Adorno (L’œuvre d’art…, KulturIndustrie, La forme du disque, …) — comme une dislocation de l’espace-temps moderne (incarné par le cinéma) ; et comme l’annonce d’une époque de dissolution interne et matérielle de la chair — comme l’époque de sa « virtualisation totale ».
On questionnera les enjeux politiques de ces mutations fondamentales, par un retour aux théories issues de la modernité sur le montage (Brecht, Eisenstein, etc.), et par une exploration expérimentale de ces mutations du corps.
On cherchera pour ce faire, à rendre sensible cette dimension érotique du dispositif par sa manipulation matérielle et virtuelle. D’une part en développant des expériences virtuelles susceptibles de reconfigurer le corps jouant en le confrontant à des dispositifs de contrôle alternatifs (i.e. des manettes qui problématisent matériellement le jeu comme union chair-machine). D’autre part en mettant en scène ces “unions corpo-machiniques” lors de performances alliant virtuel, machines, et corps de chair.
On visera par-là à visibiliser une dimension du réel, érotique et inconsciente, qui affleure dans nos interactions machiniques et virtuelles. Dans l’ombre des corps et de leurs ébats passionnés avec la machine, appert un 3ème corps, synthèse multicéphale et monstrueuse d’agentivités limites. Cette entité, encore difficile à cerner au stade actuel de nos recherches, semble être le cœur problématique de nos relations spéculaires et auto-érotiques avec les machines. Il s’agira d’en élaborer une cartographie — de révéler les possibles définitoires qu’elle recèle, fussent-ils tragiques.
Titulaire d’un master de philosophie contemporaine (cohabilité ENS-Ehess), et d’un master en Game Design (Cnam-Enjmin), Icare Bamba est doctorant au sein du LLCP (Laboratoire des Logiques Contemporaines de la Philosophie) de Paris 8 et du Cologne Game Lab de l’université de Cologne en Allemagne. Il travaille actuellement sur une thèse de philosophie et de design en recherche-création sous la direction des professeurs Pierre Cassou-Noguès (Paris 8), et Gundolf S. Freyermuth (CGL). Intitulée « Viande-Fantôme : Érotique de la Chair à l’Époque de sa Virtualisation Totale », sa recherche porte sur les métamorphoses subies par nos subjectivités dans l’expérience virtuelle, questionnées à partir de nos situations matérielles et incarnées. La performance, les expériences virtuelles interactives et les expérimentations plastiques sont autant de moyens envisagés pour explorer et rendre visibles les symbioses qui émergent de nos relations machiniques.
——-
Icare Bamba
En 2023-2024 il est co-dramaturge de la pièce Mars Exploration de la Compagnie UltraComète, mis en scène par Victor Inisan (Les Plateaux Sauvages, Paris, Janvier 2024), ainsi que de la performance Journal du Jardin Vert de l’artiste Ida Gibber (Le Vivarium, Rennes, 2024). Il collabore actuellement avec Sophie Prinssen (doctorante Artec) et Maeline Li (Artiste plasticienne) et les membres du DIU Artec 2023-2024, pour publier un « Donjon Théorique », ouvrage expérimental alliant design de jeu, expérience fiction et théorie.