Corps, Genres et Images

Corps, Genres et Images

Date

24/03/2022 - 25/03/2022


Lieu

Maison de la recherche, Université Paris 8


Infos pratiques

L’événement sera également diffusé en streaming, merci de vous inscrire par e-mail à colloque.cgi@gmail.com pour recevoir le lien.

Cet événement propose de questionner, d’analyser et de discuter dans une perspective pluridisciplinaire et internationale, les rapports sociaux de genre au travers du corps comme objet d’études, et plus particulièrement la manière dont ils sont représentés et mis en scène dans la sphère publique. Structuré par quatre axes thématiques, nous proposons un programme où alternent des interventions scientifiques ainsi que des récits de terrain, des pratiques artistiques et militantes.

« Penser et étudier les images des corps genrés »

Depuis le XXème siècle, de nombreuses études visent à rendre compte du lien entre les rapports sociaux de sexe, de genre et les représentations médiatiques. Les approches interactionnistes (Goffman, 1977), l’analyse filmique (De Lauretis, 1987) ou la sémiotique du genre (Julliard, 2013) sont souvent mobilisées pour faire émerger le poids des dominations et les perspectives d’émancipation possibles en jeu dans les images des corps genrés. Néanmoins, les outils épistémo-méthodologiques déployés soulèvent encore des questionnements, comme le fait remarquer Sarah Sépulchre dans sa conférence « Les séries sont un lieu privilégié pour renouveler les représentations genrées, mais c’est toujours aussi compliqué de les étudier » (dans le cadre du séminaire Genre, médias et communication (GRIPIC/IRMECCEN) en décembre 2020). Penser la construction médiatique genrée des corps revient inévitablement à s’interroger sur les difficultés méthodologiques et épistémologiques que soulève cette démarche, et surtout à tenter de les dépasser. Cet axe invite donc à réfléchir sur les méthodologies émergentes permettant d’étudier, de manière réflexive, les images des corps et des genres dans l’espace médiatique. Quels sont les protocoles d’étude innovants en circulation au sein des sciences humaines et sociales permettant de rendre compte de la diversité ou du manque de diversité des représentations des genres et des corps ? De quelle façon les chercheur-ses prennent-ils/elles en considération leur propre corps et genres dans leur recherche ? Comment déconstruit-on les évidences corporelles et genrées, en particulier celles de sa propre subjectivité ?

 

« Corps, genres et représentations »

L’étude des représentations genrées dans les arts, les médias et les produits culturels, est une constante dans les sciences humaines et sociales (Cf. Juliette Rennes [dir.], 2016). Ces études reposent souvent sur des corpus binaires (Coulomb-Gully, 2010 et 2009 ; Julliard et Quemener, 2014) qui s’intéressent notamment à la performativité et la sexualisation des corps bicatégorisés (féminin/masculin, maigre/gros, petit/grand). Or, les différentes catégorisations sexuelles conduisent à une multiplicité de mises en scène les inscrivant dans le paradigme du genre. Ces mises en scène peuvent rendre compte (ou non) des usages de ces corps, de leur éventuelle acceptation et surtout de conditions de vie ou des spécificités des personnes concernées par les injonctions genrées. Le genre configure les marges d’un conflit entre les corps dits normaux et les corps normés (valides, beaux, athlétiques…), en lien avec une conception limitée de la masculinité et la féminité. Ainsi, tout écart risque d’être stigmatisé (García-Santesmases,2015), même si certaines formes de différence (androgynie, figures queers, cécité) peuvent être revalorisées (Gil, 2007). De manière empirique, on peut observer l’interprétation des corps, à partir d’une perspective située (lieu de parole, Ribeiro 2019, et point de vue, Puig de la Bellacasa, 2014), et qui s’inscrit dans certains registres médiatiques qui interrogent la diversité des corps dans les sociétés. On peut notamment retrouver des exemples dans des films indépendants ou des séries B (Freaks de Tod Browning, Terri d’Azazel Jacobs, Tangerine de Sean Baker), dans des séries web ou TV (Dietland de Marti Noxon), des documentaires (Disclosure: Trans Lives on Screen de Sam Feder) ou encore dans la BD (Mon gras et moi de Gally, Corps à coeur, coeur à corps de Léa Castor) ou sur internet (Instagram et le #BoPo ou le #BodyPositivism). Cet axe se centre sur les représentations genrées du corps dans les productions médiatiques de fiction, d’autofiction, autobiographiques ou documentaires. Quels regards posent les instances d’énonciation sur les différentes formes de corporalité ? Comment le public s’approprie-t-il ou réinterprète-t-il ces corps médiatisés ?

« Corps, genres et technologies numériques »

Près de cinquante ans après la création de la cybernétique, les premières analyses d’applications montrent que celles-ci sont toujours déjà genrées car issues de modèles fonctionnalistes (Fuller, 2003) liées aux représentations des premiers développeurs. En devenant une prolongation du corps (smartphones, lunettes intelligentes, montres connectées), voire en les transformant de l’intérieur (avec des puces ou des implants), d’autres technologies numériques semblent pleinement investir les corps de ses usager-eres. Ces dispositifs participent à “modèl[er] la corporéité humaine” (Le Breton, 2008 : 4-5) en conditionnant et naturalisant certaines gestuelles (Foucault, 1975). Néanmoins, ces technologies peuvent aussi être des outils de transformation sociale permettant des (en)jeux d’identité (Turkle, 1995) et le dépassement d’une conception binaire du genre (Haraway, 2007). On voit par exemple depuis quelques années se développer l’inclusivité dans certaines applications de réseaux sociaux numériques.  Cet axe propose d’interroger les liens potentiels entre visions du monde rationalistes, voire patriarcales, et technologies numériques. Dans quelle mesure ces dernières participent-elles à conditionner et naturaliser des corps genrés ? Quelles perspectives émancipatrices peuvent permettre les technologies numériques pour les corps et les genres ?  S’agit-il de discours permettant à certaines firmes de se donner une image progressiste, ou doit-on n’y voir qu’une étape supplémentaire dans les catégorisations des corps et la captation de données personnelles ?

 

« Les genres des corps sportifs »

Boxe thaïlandaise, handball, bodybuilding, alpinisme… En dépit de la diversité des activités sportives, elles sont toutes codifiées et réglementées selon des normes strictes reposant sur la binarité des sexes et des genres, comme en témoignent les catégories “hommes” et “femmes” dans les divisions sportives. Le corps musclé semble répondre à un idéal de performance “virile” (Corbin, Courtine, Vigarello, 2011) caractérisé par l’affrontement, l’agressivité, et l’hétérosexualité. Le milieu sportif apparaît, par exemple, comme plus homophobe que la société (Mette, Lecogne, Lafont, Décamps, 2012) puisqu’il véhicule une hétéronormativité qui favorise le développement de cette stigmatisation (Liotard, 2008). Celui-ci est encore gouverné par des représentations devant répondre à l’injonction de la masculinité hégémonique (Connel, 1987), voire militaire (Arnaud, 1991). Ces associations évidentes entre sport, corps athlétique et masculinité restreignent les visions du monde possibles. Ainsi, les pratiques sportives participent à la production et la reproduction des dominations existantes qui contraignent les corps à la binarité des genres. En effet, le corps musclé et sportif peut être appréhendé comme le fruit d’une longue histoire de domination, découlant notamment du capitalisme (Kinnunen ; Vallet, 2018) opérant une réification des individus (Lukàcs, 1960). Ainsi, les corps sont des produits capitalisés selon des perspectives élitistes de rentabilité.

Cet axe souhaite ainsi interroger les potentielles postures de négociation et d’émancipation mobilisées par les sportifs et les sportives. Quelles sont les positionnements contre-hégémoniques qui émergent et permettent potentiellement des espaces de réappropriation des corps ? Dans quelle mesure les pratiques sportives fournissent-elles des espaces de lutte ?

 

Projections et tables-ronde

Se tiendront ensuite des tables-rondes animées par des doctorant-es, professionnel-les, militant-es et artistes travaillant autour de ces questions. Les temps scientifiques résonneront avec des espaces-temps dédiés à des productions artistiques et des performances.

 

Afin d’illustrer et d’approfondir les temps d’échanges autour des médiations entre les corps, les genres, les images et le numérique, sera projetée lors de la première journée la vidéo « Sexe, ravage, corps et aliénation » d’Emmanuelle Laurent,  youtubeuse et psychanalyste également présente lors de la table-ronde « Réflexivités des corps : expériences des normes de genre ». Dans ce film d’une quinzaine de minutes, elle partage une performance filmée et engagée sous forme de rituel de beauté mêlé à des réflexions sur le rapport qu’elle entretient à son propre corps en puisant des ressources dans la psychanalyse et chez Michel Foucault. Dans une perspective historique, ce premier jour se clôturera par la projection d’un agrégat de vidéos d’archives proposé par l’INA en lien avec la thématique du cabaret visuel. À la fin de la seconde journée sera diffusé le court-métrage documentaire « La performance du genre dans la boxe », réalisé en 2019 par quatre étudiant-es en deuxième année de Licence Information-Communication de l’Université de Paris 8. Tourné en contexte pédagogique dans le cadre d’un cours dispensé par Lucile Coquelin (présente à la table ronde « Les corps dans le sport : expériences des normes de genre »), ce film s’inscrit dans une série documentaire de six épisodes interrogeant les normes de genre dans les sports et les arts. À travers le témoignage de trois athlètes de niveau différent, cet épisode invite les spectateurs et spectatrices à penser la boxe (en particulier le muay thaï) comme un sport ouvert à tous les sexes et genres plutôt qu’une pratique réservée aux hommes.

 

L’art de l’illustration et de la performance

Nous avons sollicité un artiste performeuse et une illustratrice afin de prolonger le fil rouge qui relie de manière transversale les quatre axes du colloque. Nous pourrons de ce fait approfondir les échanges sur les liens entre corps, genres, médias et numérique. Il s’agira de faire dialoguer différentes formes de recherche et de création autour de la représentation genrée des corps dans l’espace social. Enfin, dans le cadre de la valorisation scientifique qui sera pensée à l’issue du colloque, ces différentes interventions scientifiques et artistiques dialogueront ensemble. Noémie Fachan propose sur son compte Instagram (@maedusa_gorgon) des dessins humoristiques et engagés afin de sensibiliser de manière créative aux rapports sociaux de genres. Durant le colloque, cette illustratrice dessinera à la main les temps forts de l’événement tout en étant filmée. Son travail sera diffusé en live sur un écran tout au long des deux journées. Cette mise en scène en direct invite les participant-es à plonger dans une mise en abyme réflexive au cœur du dispositif artistique. Les deux jours de colloque seront clôturés par un spectacle final mobilisant un dispositif mêlant projection, streaming et performance corporelle. Caroline Déjoie invite les spectateur-trices à assister à la préparation d’un corps à l’action militante. Puisant dans les représentations des tutoriels make-up en circulation sur les réseaux sociaux numériques, elle performe un rituel éco-féministe diffusé en live sur Instagram. Enduit de miel, terre et argile, le corps est transformé. Elle invite à dépasser la perception du corps comme instrument (de beauté, de guerre et du numérique) et à le repositionner comme une possibilité de subjectivation.

Programme complet

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Comité d’organisation : Lucile Coquelin (CEMTI), Marine Malet (CARISM), Marion Philippe (ACP / INA)

Participant-es à l’organisation : Allan Deneuville (Fabrique du littéraire), Marys Hertiman (EXPERICE), Adrien Péquignot CEMTI / EUR ArTeC), Natacha Seweryn (ESTCA)