Exposition, Zoé Beloff

Exemple d'édition

Dans le cadre des aides à la création, Pascaline Morincôme, Baptiste Pinteaux & Fanny Schulmann, ont organisé l’exposition Parade of the Old New de Zoé Beloff à la galerie Treize, Paris.

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En réalisant Parade of the Old New, une peinture sur carton de quarante mètres de long racontant la présidence de Donald Trump au fur et à mesure de son développement, Zoe Beloff s’est souvent demandée pourquoi elle s’était lancée dans une telle entreprise. En exposant cette œuvre à Treize, un espace rectangulaire de quatre-vingt-dix mètres carrés disposant d’environ trente mètres linéaires irréguliers, nous nous sommes parfois interrogé.e.s sur la logique de cet accrochage. Assurément, la charge était lourde, pour elle comme pour nous.

La monumentalité de l’échelle et du sujet auquel nous étions confronté.e.s venait buter sur la pauvreté revendiquée de notre mise en œuvre. Ces peintures sur carton que l’on tentait d’aligner dans un espace plutôt accidenté, allait-on pouvoir les appréhender à la manière d’un panorama, attraction inventée à la fin du XVIIIe siècle qui permettait de s’immerger dans un paysage ou un événement historique ?

Pour cette artiste, que ses films, installations et sujets de prédilection ont parfois rapprochée de ce qu’on appelle l’archéologie des médias, l’utilisation de ce format désuet s’inscrit dans un continuum.
Les dispositifs qu’elle a créés au fil du temps pour raconter ses histoires — sur la vie de la médium Elizabeth d’Espérance (2000), ou celle d’Augustine, patiente de Charcot à la Pitié Salpêtrière (2005); sur une Société psychanalytique amateur à Coney Island (2009) ou encore sur les séjours d’Eisenstein et de Brecht à Hollywood (2015) — s’appuient sur des technologies ou des archives oubliées qu’elle exhume. Si la forme du panorama répondait donc à cette typologie, ce n’était pas le cas de son contenu ; aucun aspect sordide du mandat de Trump ne nous a été épargné entre 2017 et 2020. C’est donc à un autre régime d’images que s’est attaquée Zoe Beloff, en se confrontant aux chaines d’informations continues et aux réseaux sociaux.

Trump a été abondamment caricaturé, tourné en dérision dans les médias comme dans l’art ces dernières années, mais peu d’œuvres ont pris sérieusement en charge la représentation du pouvoir fasciste et ses répercussions à partir de l’expérience américaine récente.
Les difficultés rencontrées par Zoe Beloff pour exposer son œuvre témoignent d’une réticence des milieux artistiques à aborder frontalement cette problématique. La critique du monde capitaliste constitue une matrice du travail de cette artiste, mais l’élection de Trump l’a conduite à infléchir ses modalités de production, et à s’y consacrer entièrement.

Le panorama appartient ainsi à un corpus d’œuvres qui explore les fondements et les effets de la présidence de Trump — avec un film, Exile (2017), et un roman graphique, Between Worlds (2018). On est donc fier.e.s, heureu.ses.x tout autant que peiné.e.s de présenter cette peinture et la démarche de Zoe Beloff à Treize, en des temps où il n’est plus à démontrer que le fascisme ne se réduit pas à la parenthèse cauchemardesque incarnée par Trump, mais fait pleinement partie de la vie politique, qui se structure sur la peur et la fascination que suscitent ces moments de bascule et de non-retour.