Retour sur les 10 ans d’Hybrid

Retour sur les 10 ans d’Hybrid

Le jeudi 28 novembre, une demi-journée de rencontres s’est tenue dans la salle des conférences de la BnF (Richelieu), organisée par le pôle éditorial d’ArTeC avec les Presses universitaires de Vincennes, pour célébrer les 10 ans de la revue Hybrid que nous co-éditons.

Programme détaillé

De nombreux objectifs s’associaient à cet événement :

  • célébrer dix ans de parution de la revue (conçue sous le labex Arts H2H) ;
  • fêter la sortie du dernier numéro : Hybrid 12 – Naissance et renaissance des mèmes/Vies et vitalités des mèmes (vol. 1) ;
  • réaffirmer la collaboration ArTeC/PUV ;
  • sensibiliser aux enjeux actuels des publications universitaires de sciences humaines et sociales, comme l’évolution des pratiques des métiers de l’édition confrontés à la généralisation de la science ouverte et l’utilisation des logiciels d’intelligence artificielle ;
  • présenter les nouveautés éditoriales de la revue, à savoir une expérimentation au multilinguisme, en vue d’une politique élargie de science ouverte et accessible à tous et toutes ;
  • situer pleinement le pôle éditorial ArTeC dans le paysage des publications scientifiques.

Multilinguisme

En 2022, l’équipe du projet « Transiens » publiait son rapport final et l’exposait aux Rencontres de l’édition en sciences humaines et sociales organisées par l’EHESS. Le projet, présenté alors par Séverine Sofio, part du principe que la généralisation du multilinguisme demeure préférable au recours systématique à l’anglais comme langue d’écriture pour l’édition et la diffusion de la recherche, et propose ainsi de privilégier la traduction.

Parmi les idées exposées, nous avons retenu celle de la traduction de synthèses en plusieurs langues afin d’atteindre d’autres communautés que celles francophones et anglophones. Toutefois, avec la volonté de proposer à la lecture un texte suffisamment long pour les chercheurs et chercheuses et d’optimiser le référencement sur les moteurs de recherche, notre choix s’est porté sur la traduction de l’introduction.

L’objectif est d’améliorer la visibilité de la revue en ligne et d’atteindre des personnes qui chercheraient sur un navigateur dans la langue de leur moteur de recherche. Grâce au multilinguisme, nous souhaitons créer des ponts internationaux entre chercheurs et chercheuses et diffuser les savoirs au-delà de nos cercles coutumiers, voire créer des partenariats avec d’autres revues à l’international comme le propose le projet « Transiens ».

Un article détaillant cette expérimentation au multilinguisme sera prochainement publié sur ce site.

Précisons simplement ici que le numéro 12 paru dernièrement est le premier à bénéficier de cette expérimentation. L’introduction a été traduite, en plus de l’anglais, vers le portugais et l’italien.

Lire notre politique de science ouverte et accessible.

Traduction

Katharine Throssell, traductrice, notamment pour Hybrid, chercheuse et co-Présidente de l’Association pour la traduction en sciences sociales (ATESS), nous a parlé de ce que fait la traduction automatique à un texte, et ce qu’elle ne fait pas. En effet, la qualité d’un texte traduit par un logiciel IA est incomparable à une traduction humaine. Une traduction par probabilité et par littéralité proposée par les logiciels IA ne convient pas car, en effet, comment traduire des notions propres à une discipline universitaire ? Une personne qui traduit des textes scientifiques présente une double spécialité et, outre une formation en traduction, une autre en SHS est essentielle afin de comprendre le propos et traduire avec les mots justes, soit de manière précise en termes lexicaux. Quid des citations ? Les logiciels IA font l’impasse sur les sources. Jusqu’à présent, une recherche humaine avec une connaissance de l’environnement universitaire est préférable pour traiter les citations.

Katharine Throssell invite à prendre le temps, à adopter un modèle slow, qualitatif, et pose la question de ce qui est perdu par une traduction automatique, et de ce que gagnent les entreprises de logiciels IA par le moissonnage des données.

Pour élargir le sujet, lire l’article de Claire Larsonneur, « Intelligence artificielle et/ou diversité linguistique : les paradoxes du traitement automatique des langues », Hybrid 7

 

Pratiques participatives de publications 

Olivier Thuillas, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris-Nanterre, est intervenu afin de présenter une étude, publiée dans le numéro 8 d’Hybrid.

Lire Hybrid 8

Suite à un échange avec le public, un débat sur la science ouverte a mis en lumière la problématique du moissonnage des données et du non-respect de la propriété intellectuelle par les logiciels IA incapables de communiquer leurs sources ou de retrouver les sources d’une citation donnée. Ce débat à quelque peu introduit l’intervention d’Olivier Thuillas qui a présenté des initiatives bénévoles et participatives de partage des savoirs et des connaissances. Leur objectif est de rendre la littérature et les sciences accessibles à tous et toutes. Une intervention qui a permis de nuancer le débat en mettant en avant des pratiques d’exploitation à but lucratif et d’autres à but démocratique non lucratif.

 

Hybrid, revue des arts et des médiations humaines

Une table ronde rassemblant deux fondatrices de la revue, Isabelle Moindrot et Marie-Hélène Tramus, et un des coordinateurices des numéros 10 et 11 parus en avril 2024, Allan Deneuville, sous la médiation de Damien de Blic, directeur éditorial des PUV, a souligné les problématiques d’une revue interdisciplinaire comme Hybrid.

 Lire Hybrid 1
 Lire Hybrid 10
 Lire Hybrid 11

Isabelle Moindrot et Marie-Hélène Tramus ont rappelé que la conception de la revue remonte à 14 ans. Hybrid a été pensée numérique dès le début afin de la rendre durable, pérenne et internationale, et de toucher au-delà de la communauté du labex Arts H2H, à l’initiative de la revue. La pluridisciplinarité était fondamentale, portée d’ailleurs dans le nom même de la revue, afin de rallier de nombreuses disciplines d’arts et des sciences de l’information et de la communication.

Possibilités

Interdisciplinarité

La revue a rendu possible la création d’un espace pour la publication de projets éditoriaux interdisciplinaires, jusqu’alors peu nombreux dans le paysage des publications scientifiques.    

Recherche-création

Caractéristique d’ArTeC, la pratique de la recherche-création permettait de solliciter des artistes, et la diffusion en ligne de faire appel à un plus large pan artistique que celui des arts plastiques. La possibilité d’intégrer des médias sur la page web donnait ainsi la parole à des artistes travaillant avec le son et l’audiovisuel.

Voir Hybrid 2, Sophie Daste & Karleen Groupierre

Voir Hybrid 3, François Bon

En tant qu’espace d’expérimentation pour la recherche-création, Hybrid invite à écrire différemment, à ce que le cadre d’une publication scientifique classique implose pour laisser naître une forme d’écriture scientifique inédite. Une hybridation au sein même des articles est encouragée.

Voir, par exemple, « L’humain face à l’effondrement dans les arts plastiques et les arts de la scène » de Elsa Ayache et Solange Ayache qui mêle texte, illustration et poésie.

Diffusion en ligne

Enfin, l’open access offre de l’immédiateté, la chance d’être lu via différents formats (en ligne, en PDF, en e-pub) dès la parution et ainsi de toucher une plus large communauté.

Problématiques et pistes d’ouverture

L’évaluation

Comment évaluer la recherche-création ? Quelle grille d’évaluation pour tout type de chercheur·se ? La difficulté de l’évaluation dans un contexte interdisciplinaire se pose rapidement pour les coordinateur·rices d’un numéro, notamment celle de trouver des expert·es de disciplines qui ne sont pas les siennes. D’autre part, les formes d’écriture des articles varient, et parfois une subjectivité évidente transparaît de certains articles recherche-création.

Idem pour les créations. Pour que les œuvres soient intégrées plus aisément dans le processus d’évaluation, il conviendrait de mettre en place d’autres formes de médiations pour les accueillir.

Les créations d’artistes

Dans un contexte de publication à titre gratuit, la question de la rémunération des artistes par droits d’auteurs pour leur contribution dans la revue a été soulevée, notamment pour celles et ceux qui ne disposent pas, en plus de leur statut d’artiste, d’un statut de chercheur ou chercheuse. Toutefois, comment dégager un financement pour les œuvres lorsque le budget est déjà absorbé par la traduction d’au moins 500 000 signes vers l’anglais ? Afin de s’inscrire pleinement dans le champ singulier de la recherche-création, il n’est pourtant pas possible de faire l’impasse sur le sujet.

Ouvertures

Les coordinateurs et coordinatrices d’un numéro doivent parfois justifier de l’intérêt d’une revue hors normes comme Hybrid : certain·es chercheurs et chercheuses craignent que l’intégration d’œuvres d’art ou la présence d’artistes invité·es en tant que contributeur·rices dévalue le sérieux scientifique du numéro.

La volonté de la revue de sortir du cadre des publications scientifiques n’est pas toujours partagée par les contributeurs et contributrices. S’oppose aussi la charge supplémentaire de travail dans la gestion des œuvres. 

Qualifier la revue permettrait sans doute de pallier cette difficulté, de convaincre plus aisément les chercheurs et chercheuses à écrire pour la revue (l’importance de la qualification en SIC pour l’avancer des chercheur·ses a notamment été soulignée).

Remerciements

Nous remercions chaleureusement les intervenant·es et toutes les personnes qui ont aidé à l’organisation de l’événement.

Nous remercions vivement la Bibliothèque nationale de France pour leur accueil au 5 rue Vivienne, et notamment nos interlocuteurs et interlocutrices Peter Stirling, Marjorie Tardiff et Bettina Tolon.

Le site Richelieu est le berceau historique de la Bibliothèque nationale de France. C’est à l’origine le palais du cardinal Mazarin, construit au xviie siècle, et dans lequel la bibliothèque du Roi emménage en 1721 ; en septembre 2022, il rouvre ses portes après douze ans de travaux de rénovation, et devient un lieu ouvert à tous et toutes au cœur de Paris. La salle des conférences, sublime espace lumineux tout en boiseries qui jouxte la chambre de Mazarin, a accueilli l’événement.

 

 

Laura Boisset
Pour le pôle éditorial ArTeC