Yves Citton, Vanessa Nurock, Marta Severo, Peter Stirling, Samuel Szoniecky
Le « numérique » (généralement conjugué au singulier) en passe de devenir « ubiquitaire » est alternativement interprété comme assurant une transparence intégrale ou comme imposant une surveillance généralisée. Transhumanistes et conspirationnistes ont toutefois en commun de négliger les angles morts (à décliner au pluriel) qui sont inhérents à toute perception du monde, fût-elle programmée et nourrie de big data. Ce sont ces angles morts des visions programmatrices actuellement à l’œuvre dans la mise en place d’un numérique ubiquitaire et conçu comme homogène que les différentes activités proposées ici s’efforceront d’identifier et de discuter.
Une première dimension – spéculative – tentera de conceptualiser les limites de la programmation. À partir de quel point l’augmentation machinique des intelligences humaines rencontre-t-elle des renversements de contre-productivité, à l’occasion desquels les progrès de l’automatisation se retournent en régressions d’humanité ? C’est la question des recompositions en cours entre subjectivités humaines et computations machiniques (IA) qui se joue sur ces points de retournements.
Une deuxième dimension – davantage empirique – s’attachera à repérer et analyser des cas problématiques dont les retournements peuvent avoir valeur emblématique. On comprendra ces angles morts de la programmation comme des limites, des lacunes, des absences et des résistances s’opposant aux meilleurs efforts déployés pour documenter, expliquer, rationaliser, optimiser nos relations sociales et nos rapports à nos environnements. Mais on pourra aussi envisager ces angles morts comme protégeant de précieuses zones d’opacité, à défendre contre la tendance de certains appareillages numériques à tout standardiser pour tout automatiser.
La vise commune minimale des activités réunies au sein de ce projet sera donc la suivante : étudier la prétendue ubiquité du numérique depuis les zones d’extériorités internes qui esquivent sa computation. L’enjeu des discussions sera de mieux prendre la mesure des ambivalences des meta-media numériques, et de faire ainsi apparaître à la fois ce que nous pourrions gagner à repousser localement certaines limites de la computation, et ce que nous risquons de perdre en réduisant indûment certaines oasis d’opacité.
Une troisième dimension – créative et propositionnelle – tentera d’élaborer de nouveaux outils d’orientation pour nous repérer au sein de ces ambivalences. Le cadre en sera fourni par le collectif d’artistes DisNovation (Nicolas Maigret et Maria Roszkowska), qui ajouteront les résultats des réflexions communes à la boîte à outils notionnels qu’ils sont en train de réunir pour nous équiper de boussoles éco-politiques pour temps de mutation des valeurs. DisNovation mène depuis une dizaine d’années des expérimentations de pointe aux frontières des matérialités numériques et de leurs enjeux politiques aussi bien qu’économiques.
Artistes :
Nicolas Maigret et Maria Roszkowska (artistes, collectif DisNovation)
Olivier Bosson
An Mertens
Doctorant.es:
Allan Deneuville (doctorant, LHE, Paris 8)
Adrien Pequignot (doctorant, CEMTI, Paris 8)
Guillem Serrahima (doctorant, ESTCA, Paris 8)