Que les technosciences soient omniprésentes dans toutes les vies humaines d’aujourd’hui est une évidence ; qu’elles concourent à façonner nos représentations du monde, des différents êtres que nous envisageons, et de nous-mêmes, s’impose aussi avec évidence. Enfin, que les technosciences elles-mêmes soient, inversement, nimbées d’affects et de représentations métaphysiques, plus ou moins spontanées, plus ou moins élaborées, plus ou moins positives, plus ou moins négatives (apologie du cyborg, peur de nouveaux Golems...) s’impose aussi. Le projet ici proposé veut prendre au sérieux ce fait. Des questionnements concernant les rapports entre réchauffement climatique et anthropocène, ou entre prothèses et transhumanisme touchent de plus en plus le citoyen qui le découvre dans les journaux, dans des documentaires, dans des installations ou performances artistiques, mais aussi sur ses comptes des réseaux sociaux. Cela porte à l'émergence d’imaginaires sociotechniques qui sortent du contexte du laboratoire pour toucher le grand public. Cependant, le professionnel ou le citoyen qui se trouve confronté avec ces nouveaux objets est souvent démuni d’outils conceptuels adaptés pour comprendre et gérer les enjeux que des objets technologiques soulèvent face à l’humain. D’un côté, les STS (Sciences Technology Studies) ont contribué à développer une réflexion dans ce champ, mais souvent elles sont restées très ancrées dans une approche ethnographique de terrain. D’un autre côté, la philosophie de la technique s’est interrogée sur ces imaginaires mais elle s’est rarement confrontée avec la réalité des acteurs sociaux.
Face à une telle situation, ce projet a l’objectif de développer une réflexion interdisciplinaire autour de ces imaginaires sociotechniques en valorisant un point de vue philosophique dans un cadre STS et en mettant la philosophie à l'épreuve de la recherche de terrain.
Dans la limite d’une année, ce projet, porté par François-David Sebbah en collaboration avec les laboratoires IREPh, DICEN, LLCP, HAR, Paragraphe, ETHICS, mettra en place une démarche expérimentale qui vise à combiner recherche fondamentale et recherche-action, en cherchant également à ouvrir des pistes de recherche-création dans le cadre de l’axe scientifique « Les technologies et les médiations humaines » de l’EUR ArTec.
Les technologies de reconstruction et amélioration du corps (p. ex. greffes visage, prothèses, etc.) seront prises comme cas d’études pour la construction de cette démarche expérimentale qui ensuite pourra être répliquée sur d’autres terrains. Le projet sera organisé en trois actions :
1- Suivre les imaginaires sociotechniques en action à travers une recherche de terrain de 6 mois en clinique ;
2- Comprendre les imaginaires sociotechniques à travers un séminaire interdisciplinaire ;
3- (D)écrire les imaginaires sociotechniques à travers une expérimentation pédagogique transversale entre Paris Nanterre et Paris 8.