Décompositions -École d’été ArTeC en recherche-création

Décompositions -École d’été ArTeC en recherche-création

Date

28/06/2021 - 11/07/2021


Lieu

Larret 24470 Saint-Saud-Lacoussière


Infos pratiques

Envoi d'une proposition (Avant le 21 Mai) à decompositions.artec@gmail.com --> un document biographique (texte, image,son, vidéo ou autre) --> un écho/compost de l'argument (texte, image,son, vidéo ou autre) Réponse (Mi-Mai)


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Cette école d’été invitera à observer et pratiquer la décomposition pour comprendre ce que le compost donne à penser. Dans le cadre rural du Périgord vert, cette proposition d’études et d’expériences collectives espère aider les participant·es à réévaluer leurs méthodes et leurs perspectives de recherche, en les frottant à quelques formes contemporaines d’interrogations et de pratiques décompositionnelles.

Avec qui ?

15-20 (post-) doctorants ArTec/ Paris 8/ Paris 10
10-15 artistes-chercheurs (France et à l’international)
*Il est possible de candidater pour une ou deux semaines* La participation dans l’école est gratuite (hébergement et repas inclus). Nous avons un
nombre limité de bourses de voyage pour les participants étrangers.

L’argument :

L’épistémologie universitaire standard est riche en figures de la construction / composition (on construit des idées, on compose des savoirs, on assemble des corpus) ou de l’analyse (on segmente des entités macro en entités plus petites, on découpe les touts en leur parties, on réduit les phénomènes aux conditions restreintes du laboratoire). Cette école d’été se propose d’explorer une alternative épistémologique à ces deux approches, en se calquant sur le processus du compostage pour explorer une épistémologie de la décomposition.

Le compost est une créature riche en enseignements : requérant soin et attention, le compost est un holobionte composé de symbioses entre organismes à plusieurs échelles et sur plusieurs temporalités, dont la vocation est de servir de sol aux vies futures. Ce qu’il nous apprend de la décomposition est donc bien différent des leçons du déconstructivisme (mathématique ou post-structuraliste). Avant tout, ce que le compost nous apprend, c’est à décentrer l’agent humain : Donna Haraway, dans Vivre avec le trouble, en a ainsi fait une figure de son « compost-humanisme » (où il s’agit d’apprendre à penser l’humain comme compost), tandis que Maria Puig de la Bellacasa, dans Matters of Care, lui donne une place de choix dans son éthique post-biocentrique (où il s’agit d’apprendre à renommer les processus géologiques et minéraux aux côtés des processus biologiques).

À quoi pourrait ressembler une épistémologie du compost et de la décomposition ? À l’opposé des épistémologies objectivistes fondée sur la séparation entre sujet (chercheur·euse) et objet (recherché), l’épistémologie du compost se propose de décomposer la subjectivité agentive et, suivant en cela les leçons de Karen Barad dans Meeting the Universe Halfway, elle invite à compliquer les enchevêtrements matière-signification. Pour cette école d’été, il s’agira plus particulièrement d’explorer les implications artistiques, pédagogiques, somatiques et expérientielles de cette épistémologie de la décomposition.

1° Dans le domaine de la recherche-création, la décomposition propose un antidote à une certaine idéologie de l’innovation et de la créativité, qui capturent souvent l’activité dite « artistique » dans les pièges du système capitaliste de production : on sollicitera ici l’uncreative writing de Goldsmith, l’étude de Molton et Arni, la fugitivité des undercommons de Moten et Harne, ou l’art queer de l’échec de Halberstam.

2° Dans une perspective pédagogique, la décomposition remplace la transmission hiérarchique des savoirs (déjà acquis par le maître) par une attention à l’écologie relationnelle qui altère nos patterns et nos habitudes : on revisitera ici l’école mutuelle de Querrien, les expérimentation des Bocal, Charmatz et co..

3° Du point de vue esthétique, la décomposition offre un antidote aux pratiques hégémoniques des images, que nous sommes sans cesse appelé·es à partager, à composer et à recomposer : la décomposition nous invite à défaire les images toute-faites que nous recevons, pour faireplace à l’imagination (Bachelard) et pour laisser le temps à des plongées dans les vécus du dedans (Clam, Godfroy).

4° Enfin, les implications éthico-politiques de la décomposition nous inviteront à décomposer la centralité des figures de l’individu et de l’humain, au service des imaginaires multi-agents (Manning), réticulaires (Latour) ou rhizomatiques (Deleuze-et-Guattari), qui animent les métaphysiques contemporaines de l’inséparation (Quesada). La relationnalité «décompositionnelle» du compost offre un autre modèle du care qui n’est ni individualiste (ou inter-personnel), ni structurel ou systémique.

Il ne s’agira toutefois pas d’idéaliser l’image du compost. Dans Cahier d’un retour au pays natal, Aimé Césaire nous met en garde : certains corps, certains êtres ont longtemps été, dans la logique du capitalisme esclavagiste, « le fumier hideusement promoteur de cannes à sucre ». Du point de vue d’une écologie décoloniale, la perspective du compost/fumier nous invite à nous demander quelles conditions sont nécessaires pour nous permettre de consentir à être du compost les un·es pour les autres : dans quels mondes est-il possible d’être un fumier les un·es pour les autres, sans la dévalorisation qui affecte le « déchet » et sans que ce fumier entre dans la logique extractiviste de l’exploitation capitaliste ?

Ce à quoi le compost échappe : à l’école de décompositions il n’y aura ni séminaires, ni cours magistraux, ni conférences. Notre dispositif principal sera le bac à compost : des espace-temps en petits groupes où nous (des)apprendrons ensemble à décomposer nos savoirs et être compost pour les autres. Pour soutenir le processus, l’école proposera également plusieurs agents de décomposition tel que : des pratiques d’écoute collective (P. Oliveros’ sonic meditations) ; des pratiques de présence à soi et à l’autre (M. Klein’s Parlement) ; des pratiques de lecture décomposée (le conceptual speed dating du Senslab) ; des talkie-walkie (conversations pédestres en forêt) ; des sessions d’accompagnement somatique de/par des chevaux ; une initiation à l’art du compostage potager ; des techniques de somato-compost (inspirées par la technique Alexander, la méthode Feldenkrais, l’approche d’H. Godard) ; des expériences de décomposition instantanée (inspirés par le tuning score de L. Nelson et d’autres pratiques d’improvisation) ; des exercices de cartographies (relationnelle, affective, épistémologique, inspirées par F. Deligny, D. Stern, D. Haraway)