Appel à contributions – Revue HYBRID 2022

Appel à contributions - Revue HYBRID 2022

Arts et sciences de l’avatar technologique. Rétro-prospectives des incarnations médiatiques

 

Codirigé par Etienne Armand AMATO (UGE/DICEN-IDF) & Etienne PERENY (UP8).

Ce numéro de la revue Hybrid interroge le phénomène général de l’avatarisation technologique des personnes, activités et pratiques, aussi bien du monde réel que des univers fictionnels, envisagés à travers un prisme artistique, scientifique ou même Arts-Sciences-Technologies. Aussi, le terme d’« avatar » est entendu comme un substitut valant pour soi aux yeux des autres, mais surtout comme un moyen d’incarnation se modalisant à travers différents régimes médiatiques.

Ainsi, à travers toute approche (trans-inter-multi-pluri) disciplinaire jugée pertinente, les articles pourront aborder les sujets suivants :

  • caractéristiques des relations rendues possibles grâce aux avatars ;
  • différents paradigmes de conception, de production et usages des avatars selon les systèmes spécifiques de déploiement : qu’ils soient immersifs, hybrides, augmentés, de l’audiovisuel à la 3D temps réel ;
  • modes de co-téléprésence, télé-existence ou simple co-présence sur écran partagé, et toutes ces variantes (3D, 2D, vidéo, textuel, géolocalisation, etc.) ;
  • analyses ou inventions de configurations avatariales, soit en termes d’usages dominants, afin de faciliter et d’augmenter ; soit en termes de démarches alternatives et contre-culturelles, transgressives ou révélatrices, critiques ou expérimentales, de mises en crise ou d’interrogation par des créations artistiques spécifiques ;
  • apports possibles des Sciences de la Cognition, de l’Esthétique, des SHS en particulier de leurs composantes déjà concernés par l’avatar : arts de l’interactivité et du virtuel, neurophysiologie, technologies de l’information et de la communication, sociologie et anthropologie des médias technologiques, etc.

Leurs objets de recherche et d’étude pourraient concerner :

du côté de l’esthétique, les installations, les arts de l’illusion et de l’immersion, les spectacles vivants hybrides, les nouvelles narrations, les acteurs et interactivités réels et virtuels, la conception ou le design expressif, les performances et les dispositifs analyseurs ;

et du côté de la connaissance, les mécanismes et effets sociaux des médiations et des médiatisations, leurs mécanismes et soubassements physiologiques et psychologiques chez le sujet humain, voire l’étude et/ou la critique des nouveaux phénomènes avatariaux en émergence ou en promesse.

Seront appréciées les contributions accordant aussi une place aux recherches généalogiques pouvant s’ancrer dans une compréhension historique de leur champ, grâce aux références accumulées et à l’actualisation de l’état de l’art, avec une prise en compte des évolutions technologiques et sociales.  Les articles pourront rapporter et commenter, aussi bien : analyses et théorisations, vécus et réflexions, visions de l’avenir, sur la base de travaux précis (expériences, observations, terrains) ou de créations (œuvres, expérimentations, mises en situations inédites…).

Ce numéro ambitionne de dépasser les oscillations binaires entre utopies et dystopies, entre technophilie et technophobie, entre transitions numériques et crises actuelles, pour distinguer vagues de fond inévitables et bricolages adaptatifs, tendances dominantes et luttes marginales à l’œuvre, afin de contribuer à des théories critiques renouvelées, pouvant susciter une clarification des avenirs souhaitables.

Contextualisation de la thématique : émergences et généralisations

Avec les « technologies de l’informat(isat)ion et de la (télé)communication », la notion d’avatar prend un nouveau sens dans les années 1970 autour des premiers jeux de rôle informatiques, en ligne ou même en solo, afin de rendre compte de nouveaux rapports rendus possibles entre les personnes, via des identités propres et adaptées aux environnements graphiques générés par ordinateur. Cette référence culturelle se fait alors opérateur d’interprétation pour populariser des pratiques inédites d’incarnations et de métamorphoses corporelles, ce que fixe son premier usage officiel dans le monde connecté d’Habitat (Lucasfilm Games, 1986[1]). De là se multiplient ses emplois plus ou moins extensifs ; allant de l’imagette de l’utilisateur sur un forum, un chat et maintenant sur les réseaux socio-numériques, à l’analyse rétrospective des premiers vaisseaux de jeu vidéo (Spacewar ! Russel, 1962), en passant par toute personnification, représentation ou simulation d’un être, force ou entité. Cette profusion montre sa pertinence, qui s’appuie sur sa version la plus repérable et marquante : celle d’un protagoniste configuré pour exister dans un univers et y rencontrer d’autres partenaires. Si longtemps ces simples rejetons nés de la rencontre grand public entre l’informatique, les écrans et les réseaux furent jugés anecdotiques, ces nouvelles interfaces corporelles continuent de toujours défricher les hybridations humain/machine/réseaux/images complexes, conditionnant une part de notre avenir collectif.

Derniers développements et actualités de la dernière décennie

D’importantes évolutions affectent les avatars « cybermédiatiques », propres aux médias cybernétiques fondés sur la simulation de comportements et d’interactions. Toujours moteurs d’innovation, les jeux vidéo en ligne poursuivent la sophistication des personnages. La Réalité Virtuelle (RV ou VR pour Virtual Reality) s’émancipe elle de son régime naturaliste, à la fois mimétique et solipsiste, pour offrir des environnements immersifs de plus en plus collectifs et scénarisés, où la pratique de l’avatar s’impose, osant davantage emprunter aux codes des jeux vidéo. La lignée réaliste promet depuis 20 ans de se cloner soi-même dans les espaces aussi bien professionnels de la RV, que ludiques des jeux vidéo, alors que de nouveaux « Chat VR » offrent  des corps virtuels issus de la culture médiatique populaire, comme avec le récent Système Avatar 3.0 de VRChat.

Quant aux réalités dites augmentées ou mixtes, au départ moins concernées par l’incarnation, elles accueillent de plus en plus les présences d’autres utilisateurs du fait de la connexion croissante entre ces appareils miniaturisés et portatifs que sont les smartphones. Maintes personnifications de leur propriétaire apparaissent dans le courant des années 2000, comme les Mii de console Nintendo Wii, continuant à concrétiser l’imaginaire d’une entrée de l’humain dans la machine, inauguralement mise en scène dans le film Tron[2].

En parallèle, du côté des plateformes, et ce toujours au cours de la dernière décennie, l’essor et la multiplication des profils sur les réseaux socio-numériques a justifié une autre prise de conscience : celle que ces identités en ligne constituaient un genre d’avatars hypermédiatiques[3]. Organisant documents, traces, médias reliés ensemble par des hyperliens, ils forment des agrégats de données temporalisées, calculables, mesurables et financièrement exploitables, censées représenter l’utilisateur. À ce propos, tout récemment, certains repentis de la Silicon Valley ont pu considérer ce modèle avatarisé de l’utilisateur “de poupée vaudou” (“this avatar voodoo doll-like model of us“), fabriqué à son insu en coulisse pour influencer ces choix et comportements, ce qu’a révélé le film documentaire remarqué Social Dilemna de Jeff Orlowski, diffusé sur Netflix en 2020[4].

Sans conteste, la crise mondiale du COVID intensifie et diversifie le recours substitutif aux moyens de communication à distance comme avec la généralisation des visioconférences propulsant sur le même écran la simple image vidéo des participants. Cette dernière fait de chacun un avatar rencontrant en co-téléprésence d’autres avatars, ce que valident les promesses d’hologrammes échangeant autour de bureaux virtuels. De même, la transposition entière de concerts faisant usage de jeux vidéo[5] pour connecter les fans autour de leur idole, alors que les flux vidéo rediffusent pour ceux qui ne s’y rendent pas sous la forme d’avatars.

Toutefois, ces manifestations et hybridations sont de longue date en germe et à l’œuvre et nous gagnons à interroger ces transformations identitaires sous l’angle d’un phénomène plus général d’avatarisation, nourri par des analyses de dispositifs expliquant les multiples configurations médiatiques qui enchâssent tant de modalités de présence, d’existence et d’immersion.

D’ailleurs, en prenant du recul, nous avons tout intérêt à renouveler l’approche des avatars numériques, jugés idéologiquement typiques de la société de consommation, de la marchandisation des corps et des désirs, et plus encore du divertissement en ligne. Cela engage à les estimer éligibles à des démarches artistiques plus profondes que le simple détournement ironique et à mener des recherches scientifiques allant au-delà de l’injonction à l’innovation de service ou à l’amélioration de performance.

Perspectives scientifiques et culturelles :

À bien des égards, c’est aussi la co-responsabilité sociale et culturelle, et donc politique, tant des artistes que des scientifiques et technologues, que de mobiliser des réseaux d’alliances et de construire des controverses nettes, pour identifier contraintes ou incertitudes, choix et options. Ainsi, ce numéro questionne l’hypothèse selon laquelle la figure et la réalité transversale de l’avatar s’avèrent une clef d’entrée et d’analyse privilégiée pour mieux comprendre les mutations hybrides qui affectent l’Humain, du fait des processus de virtualisation en cours tant des corps vivants imagés et des réalités partagées que des imaginaires et des fictions concrétisées.

L’ambition de ce numéro est de dégager un champ de recherche « orienté objet », sous l’intitulé « Études Avatariales » susceptible de réunir diverses expérimentations artistiques et scientifiques qui font laboratoire techno-social : un terreau d’inventions et d’émergences.

[1] Lire à ce sujet l’analyse rétrospective des concepteurs : Farmer, F. & Morningstar, C. (1994). “Le projet « Habitat » de Lucasfilm : les leçons d’un séjour dans l’espace cybernétique” dans Réseaux, 5(5), p.71-93.

[2] Steven Lisberger, 1982.

[3] Etienne Pereny, Etienne Armand Amato. “L’heuristique de l’avatar : polarités et fondamentaux des hypermédias et des cybermédias” dans Revue des Interactions Humaines Médiatisées (RIHM), Journal of Human Mediated Interactions, Europia, 2010, p.87-115. En ligne : <http://europiaproductions.free.fr/RIHM/V11N1/RIHM11(1-4)-Pereny-Amato.pdf>

[4] Expression “avatar voodoo doll-like model of us” est expliquée dans l’Interview “The Social Dilemma Documentary Director Jeff Orlowski by Alex Billington”, dans firstshowing.net, 5 mars 2020. En ligne : <https://www.firstshowing.net/2020/interview-the-social-dilemma-documentary-director-jeff-orlowski/>

[5] Voir par exemple les concerts sur Fortnite pour Travis Scott (23 avril 2020) et GTA-5 pour le chanteur Alonzo (24 avril 2020).

 

Modalités de soumission de contribution

Les propositions d’articles (3000 signes) sont attendues d’ici au 20 mai 2021 par email à l’adresse edito.artec@gmail.com, accompagné d’une courte bio-bibliographie de 15 lignes maximum dans un document séparé.

Les articles complets devront être livrés pour le 30 septembre 2021.

La longueur de l’article ne devra pas dépasser 35 000 signes (espaces compris).

Les articles devront être formatés en Word (.doc ou .docx).

Les images seront présentées à la fois insérées dans le texte et en fichier séparé.

Les langues de rédaction sont le français ou l’anglais.

Chaque article proposé à HYBRID est soumis à une évaluation en double aveugle.

 

Calendrier

  • 20 mai 2021 : proposition d’article (3000 signes) à edito.artec@gmail.com
  • 1er juin 2021 : retour des codirecteurs du dossier
  • 30 septembre 2021 : livraison de l’article complet
  • 30 septembre – 20 novembre : relecture en double aveugle
  • 20 novembre : retour et transmission des évaluations
  • 15 décembre : livraison de l’article modifié après intégration des remarques
  • 15 janvier 2022 : traductions
  • 1 mars : livraison du dossier aux PUV

 

À propos de la revue Hybrid

HYBRID est une revue bilingue (français-anglais) à comité de lecture international portée par le Labex Arts-H2H, puis par l’EUR ArTeC et publiée en ligne par les Presses universitaires de Vincennes. La revue s’inscrit dans le vaste champ de réflexion autour des « humanités digitales », tout en mettant un accent particulier sur la relation entre les technologies numériques et les pratiques artistiques et littéraires, la place du sujet dans les environnements numériques, les réflexions sur le « post-alphabétique » et le « post-humain », les pratiques de recherche transformées par le numérique, la publication scientifique et littéraire « augmentée », les approches du patrimoine numérisé et numérique, les musées « virtuels », les formes et figures d’un art « post-numérique », les enjeux de la formation à une « culture numérique », des réflexions épistémologiques et critiques sur la communication et l’information numériques (liste non exhaustive).

https://eur-artec.fr/edition/revue-hybrid

 


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