MIP / Évocations antiques : photographie, sound design, cinéma

MIP / Évocations antiques : photographie, sound design, cinéma

Il n’est sans doute pas anodin que la première ligne de la poétique des ruines écrite par Diderot, devant les ruines peintes par Hubert Robert, s’accompagne de ces mots : « A l’instant la solitude et le silence règnent autour de nous. » Car il est un élément du passé qu’il est impossible de mettre au jour, qui semble ne pas avoir laissé de trace, et qui constitue une donnée fondamentale du cinéma et de l’audiovisuel : le son. Que nous évoque ce passé sonore à jamais perdu, qu’on ne peut qu’imaginer, réinventer et, à vrai dire, fictionner ? Comment rendre présentes ces évocations antiques ?

Ces questions furent le point de départ du module d’innovation pédagogique « Évocations antiques : photographie, sound design, cinéma » qui s’est déroulé à Arles du 11 au 17 mars 2023.

Il s’agissait d’un atelier de recherche-création, qui avait pour objet les « sons de l’antiquité » et visait à susciter des expérimentations audiovisuelles à partir des questions que pose leur irrémédiable absence, l’impossibilité de les entendre à nouveau. L’ambition était bien de faire surgir dans des images et des sons créés au présent l’évocation d’un passé suscité et rêvé, en ayant à l’esprit l’écho de la magnifique formule de Fellini : « L’Antiquité n’a peut-être jamais existé, mais il ne fait aucun doute que nous en avons rêvé. »

Cet atelier a reposé sur un partenariat entre l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles (ENSPA), le projet de recherche ICAAR (temps réInventés : Cinéma, Antiquité, ARchéologie), soutenu par le labex Les passés dans le présent et l’EUR ArTeC.

Il a mis en œuvre un partage de compétences entre des étudiant.e.s de plusieurs formations : le Master international Cinéma et Mondes contemporains de l’Université Paris Nanterre, orienté vers la recherche théorique (IMACS – International Master in Cinema Studies), le Master de l’EUR ArTeC spécialisé dans l’expérimentation en art et les nouveaux modes d’écritures, le master de l’École nationale supérieure de la photographie – ENSP d’Arles.

L’atelier était encadré par Fabien Boully et Anne-Violaine Houcke (MCF à l’université Paris Nanterre), Tadashi Ono (photographe et enseignant à l’ENSP), et Franck Hirsch (ingénieur du son et responsable du laboratoire audiovisuel de l’ENSP).

 

Présentation générale

Les sons du passé font bien l’objet de recherches en archéologie, en histoire, en musicologie, et en acoustique. Mais cette quête se décline aussi rapidement selon des modalités plus ou moins scientifiques, expérimentales, parfois ludiques, articulant à des degrés divers science et fiction pour découvrir et mesurer des « empreintes sonores », réentendre et restituer les sons conservés par les matériaux. C’est toute une réserve sonore fictionnelle qui s’ouvre alors.

Qu’entend-on en arpentant un site archéologique ? Que disent les statues ? Quels sons produisent les mosaïques ? Y a-t-il des traductions sonores d’une nécropole ? Comment le son peut-il faire revenir l’antiquité ? Ou à l’inverse, qu’est-ce que l’impossibilité d’entendre le passé amène à raconter ? Il s’agit bien là d’une question d’évocation : une question de voix – ex-vocare –, qui s’articule à un phénomène de rappel du passé dans le présent, et d’apparition, l’évocation étant originellement la pratique consistant à appeler les ombres, les morts, les esprits pour les ramener dans le présent, les faire apparaître.

L’atelier articulait trois enjeux : théorique, artistique, patrimonial. D’un point de vue théorique, il s’agissait de prolonger les interrogations sur la nature de l’image photofilmique en tant qu’outil de captation de l’instant et d’enregistrement du réel en reposant la question non plus depuis l’image, mais depuis le son. D’autre part, l’épistémologie de l’archéologie sait que le passé n’existe que saisi par le présent et immédiatement mis en forme et en récit, informé dans et par des constructions narratives : l’enjeu était donc aussi de susciter des propositions d’écritures originales qui permettent de réfléchir (sur) la part de fiction dans la saisie du passé. Enfin, il s’agissait de susciter, par la création, une réflexion sur la perception souvent figée de lieux dont les institutions patrimoniales peinent parfois à rendre sensible la présence et la contemporanéité.

 

Déroulement

L’atelier a concerné 18 étudiant·es :

Anaïs AUDOUIN (IMACS, M2)

Margault AULAGNIER (IMACS, M2)

Aure BAUCHER (ENSP, AN1)

Coline CERF (ArTeC, M1)

Lucas CHARLIER (ENSP, AN2)

Ambre COURTIN (IMACS, M2)

Davide FECAROTTI (ENSP, AN2)

Jean-Baptiste FONCK (IMACS, M2)

Marion GENTY (ENSP, AN1)

Bastien GLACIAL (ENSP, AN1)

Aida LECHUGO (ENSP, AN1)  

Gwénolé LE GAL (ENSP, AN2)     

Clotilde LONG (IMACS, M2)

Matteo MICHELINI (ArTeC, M1)

Pauline ROBERT (ArTeC, M1)

Zoéllie ROLAND (ENSP, AN1)

Alissa SYLLA (ArTeC, M1)

Dan ZHU (ArTeC, M1)

Il s’est déroulé sur une semaine intensive, à l’ENSP et sur six sites patrimoniaux de la ville d’Arles : le Musée Départemental Arles Antique, les Alyscamps, les cryptoportiques, les thermes de Constantin, les arènes, le théâtre antique.

Deux contraintes initiales avaient été fixées : les étudiant·es ont été réparti·es en 6 groupes de 3, associant chacune des trois formations concernées par l’atelier ; et un site a été attribué à chaque groupe. À partir de là, l’enjeu était, pour chaque groupe, d’articuler une pratique de terrain (prise de vue – en images fixes et/ou animées, et prise de son sur sites), la formalisation d’une proposition narrative, et un travail de réalisation (montage, postproduction). Il s’agissait également, à la fin de l’atelier, de présenter le prototype audiovisuel réalisé lors d’une restitution publique.

Des conférences, master class et ateliers pratiques animés par des professionnel·les ont rythmé l’atelier :

  • Conférence introductive, par Fabien Boully et Anne-Violaine Houke, MCF en études cinématographiques, sur les enjeux théoriques et artistiques de l’atelier, à partir d’extraits de films.
  • Conférence de Tadashi Ono, photographe et enseignant à l’ENSP, sur le patrimoine antique arlésien et la photographie de ruines à Arles à xixe
  • Atelier par Franck Hirsch, ingénieur du son et responsable du laboratoire audiovisuel de l’ENSP, sur les enjeux et contraintes techniques de la prise de son.
  • Master class et « Studio Visit » de Khalil Joreige, artiste, photographe, cinéaste et plasticien : master class sur l’articulation, dans son œuvre (coréalisée avec Joana Hadjithomas), entre les problématiques historiennes/mémorielles et les questions formelles (sonores notamment) ; « Studio Visit », au cours de laquelle chaque groupe lui a présenté son projet en cours d’élaboration et a ainsi pu bénéficier de son regard.

 

Réalisations audiovisuelles

Six films d’environ 5 mn chacun ont été réalisés : Alterazioni (Musée Départemental Arles Antique), L’Arène chante (Arènes), Les Thermes, Les Alyscamps, Là où les eaux se mêlent (cryptoportiques), Intemporel (théâtre antique). Ils ont été présentés et projetés dans l’auditorium de l’ENSP, en présence d’un public d’enseignant·es, artist·es, étudiant·es, de la direction du Musée Départemental Arles Antique et d’élu·es de la municipalité d’Arles.

Les thermes
Réalisé par Margault Aulagnier (Université Paris Nanterre), Gwénolé Le Gal (Ecole nationale supérieure de la photographie – Arles), Marion Genty (Ecole nationale supérieure de la photographie – Arles), dans les Thermes de Constantin, à Arles.

 

Alterazioni
Réalisé par Anaïs Audouin (Université Paris Nanterre), Davide Fecarotti (École nationale supérieure de la photographie – Arles), Dan Zhu (École Universitaire de Recherche ArTeC), au Musée Départemental Arles Antique.

Intemporel :
Réalisé par Aure Baucher (Ecole nationale supérieure de la photographie – Arles), Jean-Baptiste Fonck (Université Paris Nanterre), Alissa Sylla (École Universitaire de Recherche ArTeC), dans le Théâtre antique d’Arles.

Là où les eaux se mêlent
Réalisé par Lucas Charlier (Ecole nationale supérieure de la photographie – Arles), Aïda Lechugo (Ecole nationale supérieure de la photographie – Arles), Pauline Robert (Ecole Universitaire de Recherche ArTeC), dans les Cryptoportiques, à Arles.

Alyscamps
Réalisé par Coline Cerf (Ecole Universitaire de Recherche ArTeC), Bastien Glacial (Ecole nationale supérieure de la photographie – Arles), Clotilde Long (Université Paris Nanterre), aux Alyscamps, à Arles.

L’arène chante

Réalisé par Ambre Courtin (Université Paris Nanterre), Matteo Michelini (Ecole Universitaire de Recherche ArTeC), Zoélie Roland (Ecole nationale supérieure de la photographie – Arles), dans les Arènes d’Arles.