MIP / Évocations antiques, écoutes modernes : cinéma, sons, photographie

MIP / Évocations antiques, écoutes modernes : cinéma, sons, photographie

Anne-Violaine Houcke et Fabien Boully nous emmènent à Arles pour le MIP Évocations antiques réalisé en 2024 sur le thème du son.

Il est un élément du passé qu’il est impossible de mettre au jour, et qui constitue une donnée fondamentale du cinéma et de l’audiovisuel : le son.

De ce point de vue, il n’est sans doute pas anodin que la première ligne de la poétique des ruines écrite par Diderot, devant les ruines peintes par Hubert Robert, s’accompagne de ces mots : « À l’instant la solitude et le silence règnent autour de nous. » Pourtant, avant les ruines antiques il y avait des édifices pratiqués par leurs contemporains, et avant le silence bruissait tout un monde sonore disparu. Dès lors, comment évoquer ce passé sonore à jamais perdu, qu’on ne peut qu’imaginer, réinventer et, à vrai dire, fictionner ? Comment rendre présentes ces évocations antiques, en faisant se rencontrer des vestiges anciens et des écoute modernes ?
Ces questions furent le point de départ du module d’innovation pédagogique « Évocations antique, écoutes modernes : cinéma, sons, photographie » qui s’est déroulé à Arles du 8 au 16 mars 2024.

Présentation générale
Il s’agissait d’un atelier de recherche-création autour des « sons de l’antiquité », qui visait à susciter des expérimentations audiovisuelles à partir des questions que pose leur irrémédiable absence, l’impossibilité de les entendre à nouveau. L’enjeu était de susciter des expérimentations audio-visuelles à partir de l’idée d’évocation, c’est-à-dire d’une question de voix – ex-vocare –, qui s’articule à un phénomène de rappel du passé dans le présent, d’apparition, l’évocation étant originellement la pratique consistant à appeler les morts pour les ramener dans le présent. Cet atelier s’est inscrit ainsi dans une longue tradition de l’histoire et de la théorie du cinéma, qui n’ont cessé d’y voir un art des fantômes, de la résurrection, de Maxime Gorki à André Bazin. C’est avec le son que cette réflexion est prolongée dans le cadre de ce MIP, tout en explorant les possibilités narratives que suscite la question des sons du passé.
D’un point de vue théorique, il s’agissait de prolonger les interrogations sur la nature de l’image photofilmique en tant qu’outil de captation de l’instant et d’enregistrement du réel en reposant la question non plus depuis l’image, mais depuis le son. D’autre part, l’épistémologie de l’archéologie sait que le passé n’existe que saisi par le présent et immédiatement mis en forme et en récit, informé dans et par des constructions narratives : l’enjeu était donc aussi de susciter des propositions d’écritures originales qui permettent de réfléchir (sur) la part de fiction dans la saisie du passé. Il s’agissait encore de jouer de la rencontre entre des sites du passé et le contexte contemporain dans lequel on les appréhende aujourd’hui, afin de générer une écoute moderne de ces lieux. Enfin, notre souhait était de susciter, par la création, une réflexion sur la perception souvent figée de lieux dont les institutions patrimoniales peinent parfois à rendre sensible la présence et la contemporanéité. L’ambition était donc de faire surgir dans des images et des sons créés au présent l’évocation d’un passé suscité et rêvé, en ayant à l’esprit l’écho de la magnifique formule de Fellini : « L’Antiquité n’a peut-être jamais existé, mais il ne fait aucun doute que nous en avons rêvé. »

Cet atelier a reposé sur un partenariat entre l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles (ENSPA), l’UFR PHILLIA de l’Université Paris Nanterre et l’EUR ArTeC.

Il a mis en œuvre un partage de compétences entre des étudiant·es de plusieurs formations : le master international Cinéma et Mondes contemporains de l’université Paris Nanterre, orienté vers la recherche théorique (IMACS – International Master in Cinema Studies), le master de l’EUR ArTeC spécialisé dans l’expérimentation en art et les nouveaux modes d’écritures, le master de l’École nationale supérieure de la photographie – ENSP d’Arles.

L’atelier était encadré par Fabien Boully et Anne-Violaine Houcke (MCF à l’université Paris Nanterre), Tadashi Ono (photographe et enseignant à l’ENSP), et Franck Hirsch (ingénieur du son et responsable du laboratoire audiovisuel de l’ENSP).

Déroulement
L’atelier a concerné 17 étudiant·es :
Héloïse Abbosh (M2 IMACS)
Audrey Borja (ENSP, AN1)
Maxence Bossé (M2 ArTeC)
Nina Chiron (M2 ArTeC)
Zayan Delbauche (ENSP, AN1)
Matthieu Ferreira (M2 IMACS)
Zeineb Ghorbel (M2 ArTeC)
Julia Gounon (ESNP, AN1)
Guillaume Fustec (ENSP, AN1)
Lucile Hujeux (M2 ArTeC)
Zacharie Madane (ENSP, AN1)
Lucie Pisan (ENSP, AN1)
Louise Perez-Fontayne (M2 CHFTI)
Hong Qu (M2 ArTeC)
Mélina Rard (ENSP, AN1)
Eva Sustard (ENSP, AN1)
Clara Vicogne (M2 IMACS)

Il s’est déroulé sur une semaine intensive, à l’ENSP et sur six sites patrimoniaux de la ville d’Arles : le Musée Départemental Arles Antique et les vestiges du cirque romain, les Alyscamps, l’aqueduc de Barbegal, les cryptoportiques, le Rhône, le théâtre antique.
Deux contraintes initiales avaient été fixées : les étudiant·es ont été réparti·es en 6 groupes de 3, associant chacune des trois formations concernées par l’atelier ; et un site a été attribué à chaque groupe. À partir de là, l’enjeu était, pour chaque groupe, d’articuler une pratique de terrain (prise de vue – en images fixes et/ou animées, et prise de son sur sites), la formalisation d’une proposition narrative, et un travail de réalisation (montage, postproduction). Il s’agissait également, à la fin de l’atelier, de présenter le prototype audiovisuel réalisé lors d’une restitution publique.
Des conférences, master class et ateliers pratiques animés par des professionnel·les ont rythmé l’atelier :

  • Conférence introductive, par Fabien Boully et Anne-Violaine Houke, MCF en études cinématographiques, sur les enjeux théoriques et artistiques de l’atelier, à partir d’extraits de films.
  • Atelier par Franck Hirsch, ingénieur du son et responsable du laboratoire audiovisuel de l’ENSP, sur les enjeux et contraintes techniques de la prise de son.
  • Masterclass d’Alain Charron (Musée départemental Arles antique) : les sites de l’Arles antique.
  • Conférence de Tadashi Ono, photographe et enseignant à l’ENSP, sur le patrimoine antique arlésien et la photographie de ruines à Arles à xixe
  • Studio visite avec Laurent Strippoli et Romy Wyche (Musée départemental Arles antique) : Retour sur les projets

Réalisations audiovisuelles
Six films d’environ 5 mn chacun ont été réalisés : Inventaire fragmentaire (alyscamps), Industriel pittoresque (aqueduc), Passages (cryptoportiques), Commérages antiques (théâtre antique), Cela aussi passera (rhône), Faire un tour (cirque et musée. Ils ont été présentés et projetés dans l’auditorium de l’ENSP, en présence d’un public d’enseignant·es, artist·es, étudiant·es, de la direction du Musée Départemental Arles Antique et d’élu·es de la municipalité d’Arles.

Chaîne dédiée

Cela aussi passera 

Réalisé par Guillaume FUSTEC (ENSP), Zeineb GHORBEL (ArTeC) et Lucie PISAN (ENSP) aux abords du Rhône à Arles.

Commérages antiques

Réalisé par Maxence BOSSÉ (ArTeC), Mélina RARD (ENSP) et Clara VICOGNE (IMACS) dans le théâtre antique à Arles.

Faire un tour 

Réalisé par Eva SUSTAR (ENSP) et Nina CHIRON (ArTeC) dans le Musée Arles Départemental Arles Antique et le cirque romain, à Arles.

Inventaire fragmentaire

Réalisé par Julia GOUNON (ENSP), Louise PEREZ-FONTAYNE (CHFTI) et Hong QU (ArTeC) aux Alyscamps à Arles.

Industriel pittoresque

Réalisé par Héloïse ABBOSH (IMACS), Lucile HUJEUX (ArTeC) et Zayan DELBAUCHE (ENSP) sur le site de l’aqueduc de Barbegal à Fontvieille.

Passages

Réalisé par Audrey BORJA (ENSP), Matthieu FERREIRA(IMACS) et Zacharie MADANE(ENSP) dans les cryptopotiques à Arles