Exposition, Compersion

Exposition, Compersion

Exposition en ligne COMPERSION  

réalisée par les participant·es du DIU ArTeC+ 2019-2020

Site internet

Le Diplôme InterUniversitaire ArTeC+ réunit chaque année une vingtaine d’artistes-chercheur·es disposant d’un master et travaillant à monter un projet de recherche-création pouvant conduire à une inscription en doctorat. D’octobre à avril, ils participent à des ateliers et séminaires hebdomadaires animés par Grégory Chatonsky et Yves Citton, auxquels sont invité·es des membres de la communauté ArTeC ainsi que des intervenant·es extérieur.es. Le principal atout de ce programme pré-doctoral réside toutefois dans la qualité et la générosité de ses participant·es, ainsi que dans leur désir de former communauté (en dépit des pressions compétitives qui structurent leur situation).

La cohorte de l’année 2019-2020 a eu une année difficile, marquée par les grèves depuis décembre 2019, puis par le confinement depuis mars 2020. Les rencontres se sont poursuivies tant bien que mal, et une admirable dynamique collective a été entretenue envers et contre tout. Cette volonté obstinée et exemplaire de tenir ensemble a abouti à la réalisation d’une exposition collective à laquelle ont finalement pu participer neuf artistes-chercheur·es. Du fait de la situation sanitaire, cette exposition a été conçue pour être disponible en ligne, et elle est désormais accessible sur le site : https://compersion.eur-artec.com/

COMPERSION réunit des travaux réalisés dans les ateliers du DIU ou en parallèle avec eux :

Stratégies langagières pour un changement de paradigme de Fanny Aboulker ; Origines à soi de Coline Rousteau ; Voilà ce que jamais je ne vous dirai de Lucas Fritz ; Exercice de zoo-collectivité autonome temporaire de Dorah S. ; Faire corps de Judith Deschamps ; As we melt before splitting de Cléophée Moser ; Observation Partie Pissante de Nicolas Bailleul ; Lombardi’s de Timothée Pugeault ; Identity Tissues de Natasha Nedelkova.

COMPERSION est présenté de la façon suivante par le collectif occasionnel mais peut-être durable qui l’a conçu : « L’exposition en ligne Compersion raconte les liens qui se sont tissés cette année entre les participant·e·s du DIU ArTeC 2019/20. Sa structure cellulaire reflète la nécessité et le sentiment de plaisir éprouvé à travailler en communauté. Il n’y a d’unité que partagée. Il n’y a de joie que collective. Chaque œuvre, qu’elle soit individuelle ou réalisée à plusieurs, est une ramification du groupe au sein duquel elle a co-évolué. La compersion – sensation de joie ressentie par et avec son entourage – est envisagée ici comme un art de résistance face au contexte ultra compétitif que représentent les demandes d’allocations doctorales. L’exposition rend compte de cette alliance, et du plaisir trouvé dans l’échange entre l’isolement cellulaire et l’intégration organique du groupe. »

COMPERSION est une contagion d’amitiés qui fait face collectivement à la contagion qui nous confine.

COMPERSION réfracte des collaborations, familières et inconnues, muries par le temps, capillarisées et rassemblées par leurs mouvements divergents, qui dé-genrent les travaux universitaires comme les attentes artistiques, qui se travaillent adossées les unes aux autres, comme des tentatives qui vaillent sans qu’on puisse dire quoi ni où, mais qui vaillent quand même, très fermement, toutes et chacune, avec des entrelacements de voix saillantes, comme avec des fusions d’arrière-plan, des complicités souterraines, des touchers d’undercommons.

COMPERSION se diffuse selon une familiarité mitoyenne, qui n’est ni familiale, ni citoyenne, mais qui fait que les gens, les cultures, les devenirs, les (œuvres-en-) progrès avancent avec le sourire, sans se jalouser, sans s’ignorer, en se regardant à une distance honnête, miraculeusement honnête (et généreuse), avec des loupes qui permettent quelques plongées dans quelques vies singulières, des loupes qu’on promène sur un paysage de traits et de mots, mais qui en révèlent des perspectives étonnamment animées, en plongeant dans la chambre d’un artiste insensiblement devenu lanceur d’alerte, chambre vide confinée autour de sa terrible absence, mais aussi en jouant sur les masques d’or qu’on se met sur le visage, ou sur l’arbre, et qui semblent tellement plus humains que les masques blancs dont on les recouvre, avant de les enterrer, dans des espaces à la fois éclatés, hétérogènes, mais tous communément confinés, ruinés, encendrés après un incendie qui les a esthétisés en les détruisant, au sein d’une temporalité de la fin en train de se déployer dans sa durée propre, très, très loin de toute origine du monde, et inconfortablement proche d’une origine de la guerre qui se joue juste à côté, mitoyenne elle aussi, passée et à venir, suspendue pendant qu’on va aux toilettes, et que les armes restent en attente, oisives, et qu’on se demande ce qu’illes font là, dans leurs îles de combats ludiques, après avoir déposé leurs ailes pour aller pisser, et qu’on regarde leur chaise vide, laquelle n’est pas une politique, mais le résultat d’un besoin naturel, partagé par les ils et par les elles qui alternent à des vitesses variables, qui se défilent de tout genre, qui sont toujours doubles et multiples, qui ne nous diront jamais tout, mais qui le disent quand même, sous forme de projets, sous forme de thèses sans antithèses, juste des hypothèses qui posent des choses, l’une à côté de l’autre, mi-toyennes, moitié toi, moitié moi, moitié les autres dont on entend les voix et dont on reconnaît les bribes de projets, remixés, recomposés pour faire tout autre chose qu’ils n’entendaient originellement, un peu loin du monde, mais surtout sans guerre, en état de caresse affectueuse, de marche enfermée dans une cours pseudo-classique, dans une lente fonte des glaciers individualistes, juste avant que ça ne pète, que ça ne se sépare, juste au moment où ces diversités peuvent faire corps, faire flux, faire ensemble un tissu suturé d’identités masquées, un texte, un patchwork, un zoo trans-humain d’autonomie temporaire, un petit bonheur improbable d’être à côté les unes des autres, toyens et toyennes, résolues chacune à être moi par et pour toi, afin de résister ensemble à la dispersion comme à la compression, par la COMPERSION.

COMPERSION a été possible grâce à la générosité de Grégory Chatonsky, qui n’a jamais compté son temps pour accompagner les processus de création dont ces œuvres et cette exposition sont le résultat. ArTeC tient à le remercier chaleureusement, ainsi que les participant·es du DIU pour leur travail, leur intelligence, leur créativité et leur amabilité qui, ensemble, font honneur à notre EUR.

 

Yves Citton

Directeur exécutif de l’EUR ArTeC