Offre de formation

Le DIU ArTeC+, diplôme post-master en un an, prépare les étudiant‧es aux gestes de la recherche et de la création, pour les aider à préciser et consolider un projet artistique ou de doctorat en recherche-création.

Programme du DIU ArTeC+ année 2024-2025

« Contre-enquêtes »

Image d’illustration tirée d’une œuvre de Raffard-Roussel

Dans notre monde hautement numérisé, nous avons accès à une quantité inépuisable d’informations et pourtant, la réalité semble de plus en plus difficile à appréhender. Faut-il pour autant renoncer à comprendre en profondeur la nature des différentes crises environnementales, politiques et sociales auxquelles nous sommes confronté·es ?

Toute une génération d’artistes, d’écrivain·es et de chercheur·ses se réunit autour de l’idée qu’il est, face à ces enjeux, nécessaire de renouveler les formes d’investigation. Luttant à la fois contre le complotisme qui simplifie la réalité, et le dogmatisme qui impose une seule vision du monde, ces enquêteur·es nous invitent à prendre en charge par nous-mêmes la construction des épistémologies auxquelles nous souhaitons adhérer. Face aux enjeux de pouvoir qui trament les régimes de vérité dominants, avec leurs « certitudes inébranlables » et « vérités incontestables », ils et elles mènent des contre-enquêtes pour montrer que les faits résultent, avant tout, d’une quête du sens.

La recherche d’une forme, d’un discours, d’un récit de restitution passe par la formulation d’hypothèses, par des découvertes mais aussi des errements, des révélations précaires ; elle s’appuie sur des processus de sélection, de découpe, de focalisation – sur une fabrique. Anna Tsing et Donna Haraway exposent cette fabrique pour, par exemple, mieux comprendre la crise écologique. Pacôme Thiellement et Pierre Bayard, à travers leurs contre-enquêtes, sondent le double fond de grandes figures de la pop culture. Nicolas Nova et Natasha Dow Schüll proposent d’enquêter autour d’objets technologiques afin de nous éclairer sur notre rapport au numérique. On pense aussi aux travaux du collectif Forensic Architecture et de Trevor Paglen dans le domaine des arts visuels, aux livres de Franck Leibovici, Neige Sinno, François Bon ou Kamel Daoud dans le champ de la littérature, à Ivan Jablonka et Emmanuel Carrère, ou bien encore aux films de Chloé Galibert-Laîné dans le champ du documentaire.

Pour beaucoup il ne s’agit pas d’exposer des résultats, mais de faire le récit de l’enquête. Ces récits se font également en pleine conscience de la violence que peut représenter l’appropriation et la restitution d’une voix par l’artiste. Si les auteur·es n’hésitent pas à adopter la première personne, ce n’est pas pour imposer un Je prédateur, empli de certitudes, mais au contraire, pour assumer pleinement le fait que la présence de l’observateur·e transforme le phénomène observé. Il s’agit de faire émerger une « esthétique d’investigation » qui intègre, sans les homogénéiser, des points de vue multiples sur le monde. Les contre-enquêtes contemporaines aboutissent non pas lorsqu’elles établissent des certitudes, mais lorsqu’elles butent sur les contradictions relevées sur le terrain de l’investigation, qui fragilisent les tentatives de faire récit et amènent l’artiste-chercheur·e à explorer d’autres formes.

Pour l’année 2024-2025, le DIU ArTeC+ propose d’explorer et d’expérimenter les formes, figures et formats de la contre-enquête contemporaine en faisant dialoguer arts et sciences sociales. À travers un programme de rencontres, d’ateliers pratiques et d’expérimentations méthodologiques, cette formation propose un parcours qui s’adresse autant aux artistes, aux écrivain·es et aux musicien·nes ; qu’aux curateurices, aux sociologues et aux philosophes. Le but de cette formation est de permettre à chacun·e d’élaborer la manière avec laquelle elle ou il désire « faire connaissance » avec ses objets de recherches, dans une perspective de recherche-création.

 

Objectifs de formation

  • appréhender les problématiques de l’interaction entre création artistiques et innovations techniques, dans une perspective réflexive et critique ;
  • acquérir ou renforcer une familiarité avec les discours théoriques tenus sur les questions esthétiques, écologiques sociales et politiques en matière de créativité artistique et technologique ;
  • assimiler des connaissances méthodologiques dans le domaine de la recherche-création, recherche-action et recherche-développement ;
  • ouvrir l’esprit des diplômés de Master issus de filières scientifiques sur les problématiques de l’art et de la conceptualisation des idées (adaptation numérique pour l’immersion 3D, création de prototypes d’une idée artistique conceptuelle, etc.).

Cette formation, basée sur des ateliers davantage que sur l’enseignement magistral, permettra aux étudiant·es de développer les savoir-faire suivant :

  • approfondir une problématique de recherche ;
  • situer l’objet de recherche dans le champ actuel des investigations au carrefour des pratiques artistiques, des innovations techniques et de leurs implications sociales ;
  • affirmer sa singularité de chercheur au sein d’un travail collectif ;
  • formuler un projet de recherche de façon rigoureuse, succincte et convaincante ;
  • repérer les institutions et les dispositifs susceptibles de contribuer au financement d’un projet de recherche.

Publics visés :

  • étudiant·es venant de formations artistiques pour leur permettre de mieux maîtriser les attentes, les codes et les habitudes de la recherche universitaire ;
  • diplômé·es d’un master universitaire pour s’inspirer de certaines pratiques de création artistique et dynamiser leurs enquêtes et leurs réflexions ;
  • professionnel·les en formation continue désirant aiguiser leurs capacités de recherche au croisement des arts, des sciences et des humanités.

Seront appréciés des objets de recherche traitant des questions relatives aux mutations numériques des médialités humaines ainsi qu’aux formes de créations et d’inventions sociales qu’elles appellent.

Ce Diplôme Interuniversitaire est proposé par l’Université Paris 8 Saint-Denis Vincennes et l’Université Paris Nanterre, en étroite collaboration avec les Services d’Orientation Professionnelle.

Enseignements

6 Grandes Conférences publiques avec des personnalités internationalement reconnues.

Cycles de conférences (12h).

Petit séminaire, à la suite des Grandes Conférences, pour permettre aux étudiant·es du D.I.U de discuter de leur projet de recherche avec ces invité·es (12h).

Séminaire Transdisciplinaire avec des enseignant·es de Paris 8 et de Paris Nanterre pour présenter des outils de recherche (concepts, méthodes, terrains, pratiques, programmes, sites, etc.). Ce séminaire prendra la forme d’une discussion-enquête sur les définitions des pratiques de recherche-création et de recherche-action (24h).

Atelier de Travail dirigé pendant toute l’année par Alexandra Saemmer, Mathilde Roussel et Matthieu Raffard pour donner aux étudiant·es l’occasion d’approfondir et de raffiner progressivement leur projet de recherche, qu’ils développeront en collaboration avec les autres participant·es. Quelques ateliers seront consacrés à l’exploration des possibilités concrètes d’obtention d’allocations doctorales à l’échelle européenne, de bourse CIFRE, etc. Une ou deux journée(s) de colloque final permettront aux participant·es de présenter leur projet sous forme d’une intervention de 20 minutes suivie de questions (48h).

Un séminaire et des ateliers sur la recherche-création et les arts du code (modèles, outils, critiques) pour développer une réflexivité permettant d’appréhender, sur une base pratique comme théorique, les enjeux d’un projet qui allie recherche universitaire et création artistique, en particulier (mais pas exclusivement) au sein d’univers numériques (48h).

Un projet de recherche approfondi et élaboré sur l’ensemble de l’année, comprenant un stage de deux mois en entreprise ou laboratoire de recherche ou la rédaction d’un article programmatique.

Télécharger le dépliant de présentation

Guide de l’étudiant·e 2023-2024 (pour information)

En format flipbook

Le guide de l’étudiant·e regroupe les informations pratiques générales sur la formation.

 

 

Programme du DIU ArTeC+ année 2023-24

 

Aliénations expérimentales

 

 

Pour l’année 2023-2024, le DIU ArTeC+ proposera à ses participant·es de réfléchir ensemble sur les entrecroisements épistémologiques, anthropologiques, esthétiques et politiques entre les processus d’aliénation et d’expérimentation.

L’aliénation a été pathologisée par les psychiatres du XIXe siècle, qui ont tenté de la circonscrire dans des catégories cliniques et des asiles d’enfermement en créant parfois d’étranges dispositifs de prises de vue. Elle n’a pas eu bonne presse auprès des philosophies politiques du XXe siècle, qui carburaient à la critique et à l’émancipation. Elle nous semble mériter d’être reconsidérée à la lumière des transformations scientifiques, technologiques, sociales et politiques qui marquent le XXIe siècle, en un moment historique où la « raison » et le « développement » (économiques) s’avèrent relever de la folie (écocidaire), où l’émancipation individualiste se confond de plus en plus avec le délire libertarien, et où la critique n’en finit pas de se mordre la queue. Face à ces impasses, nous proposons d’explorer une hypothèse de travail : et si faire la part (incompressible quoique variable) de nos aliénations était une précondition nécessaire tout autant qu’un horizon désirable de toute pensée et de toute pratique artistique en prise sur notre époque ?

Nous proposerons des lectures communes aidant à comprendre en quoi toute forme de socialisation relève de l’aliénation, au sens où chacun·e de nous est nécessairement envoûté·e par nos actions et fictions communes. Nous tenterons de comprendre comme les technologies numériques accélèrent et redimensionnent nos ensorcellements mutuels (profondément inégaux), au point d’inviter à lire les IA comme des « Intelligences d’Aliénations ». Nous essaierons de comprendre les propriétés terraformatrices des multiples formes d’emprises par lesquelles nous nous entre-aliénons. Au lieu de combattre l’aliénation, nous chercherons à comprendre comment mieux choisir nos aliénations – et comment les rendre désirables sous horizon d’hyperaliénation.

Nous espérons donc mettre en partage des formes de pratiques (artistiques, activistes, somatiques, psychiques) visant à expérimenter avec nos aliénations, plutôt qu’à nous résoudre (et nous lamenter) à les subir. Cette année aussi, le DIU prendra la forme d’ateliers au sein desquels les participant·es (artistes et chercheur·euses en sciences humaines et sociales) entre-polliniseront leurs investigations personnelles pour les altérer, les reconfigurer, les hybrider – les aliéner – au sein de réflexions et de productions communes.

Nous proposerons de considérer l’expérimentation elle-même comme une forme d’aliénation : en expérimentant, je sors de moi-même (et de mes certitudes) pour m’exposer à une altérité possible et souhaitée, à une surprise qui menace de saper mon savoir-pouvoir et mon identité, à un emportement qui risque de m’emmener où je ne sais-veux pas aller. L’acceptation de ce risque, avec l’incertitude et l’humilité qui l’accompagnent, nous semble indispensable pour faire face au moment actuel. L’expérimentation avec nos aliénations nous semble en effet être devenue une arme des activismes réactionnaires, qui ont parfaitement compris tout le profit qu’ils pouvaient en tirer. Une attitude expérimentale progressiste envers nos aliénations nous semble à revaloriser dans le contexte présent, et les pratiques de recherche-création nous paraissent avoir un rôle majeur à jouer dans nos modes à venir de co-habitation.

Le DIU ArTeC+ 2023-2024 sera animé cette année encore par Grégory Chatonsky et Yves Citton, avec la collaboration d’Emmanuel Grimaud, et la participation de nombreux·ses invité·es extérieur·es.

 

Programme du DIU ArTeC+ année 2022-23

 

IMAGINATION ARTIFICIELLE

(L’espace latent de la recherche-création)

 

Les pratiques artistiques sont troublées par l’intelligence artificielle (IA), tandis que les démarches de recherche hésitent entre la crainte d’une menace et les promesses de dépassement. D’un côté, un solutionnisme annonçant que la « créativité » sera remplacée par une machine toute puissance, ou que la « théorie » serait devenue obsolescente face à la force computationnelle brute des corrélations. De l’autre, on a de multiples critiques de cet arraisonnement par la raison calculante, réduisant toutes choses, dont l’artiste, à une variable, renforçant jusqu’à la caricature les biais de racialisation, de genre et de classe, anticipant les comportements et contrôlant le biopolitique, réalisant les récits de SF devenus matrices hyperstitionnelles. Dans les deux cas, on cherche à se faire rêver ou à se faire peur en construisant une autonomie de la machine qui répondrait en miroir à la construction du sujet moderne, dont l’artiste est une des incarnations.

Année de propédeutique au doctorat en recherche-création, le DIU ArTeC+ propose pour l’année 2022-2023, d’aborder l’IA d’une façon originale, comme objet et méthode de recherche-création, en l’expérimentant dans l’élaboration d’un projet artistique et dans l’écriture théorique de la recherche.

Le modèle avancé sera moins celui d’une autonomie fantasmatique d’une machine-artiste (dont l’angle mort est l’autonomie de l’artiste-humain) que celui d’une influence réciproque. Il s’agira d’inventer en acte une imagination (de l’) artificiel.le, dans la zone incertaine de l’anthropotechnologie où chacune est rendue sensible à l’autre. Nous proposerons aux participant.es d’explorer l’hypermnésie des données massives (big data) et d’influencer les réseaux de neurones récursifs, tout en étant influencé.e par eux dans leur procédure de production artistique et dans leur réflexion conceptuelle.

D’un point de vue technique, même si les spécialistes de l’IA seront les bienvenu.es, aucune connaissance préalable ne sera exigée des candidat.es, si ce n’est une capacité à se plonger dans cet océan de code, le désir d’essayer d’en décrypter les variables et l’ambition d’en démanteler la logique. Notre technique sera de bricolage, d’expérimentation et sera indissociable d’une déconstruction de l’esthétique par défaut de l’IA, de son caractère kitsch, surréaliste, psychédélique et onirique. On explorera aussi bien la génération d’images, de vidéos, de textes, de musiques, que de voix, de récits, de raisonnements ou de concepts.

Le DIU ArTeC+ aidera à l’élaboration des projets des participant.es, par des lectures, par un enseignement des méthodologies spécifiques à la recherche-création, par des rencontres avec des artistes, des théoricien.nes, des curateur.es et des critiques d’art proposant d’aborder de façon étendue, au-delà de la technique, les conséquences de l’induction statistique sur le statut de la vérité, de l’esthétique et de l’ontologie. Tous les profils artistiques et disciplinaires seront les bienvenus, dès lors que les candidat.es désirent se plonger dans l’espace latent de l’imagination artificielle.